Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde : mécanique de l’homophobie

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde (quel joli titre) s’ouvre sur un moment de tendresse entre deux jeunes hommes seuls dans un parc : un délicat baiser sur la main. Une ellipse plus tard et l’on comprend qu’un des adolescents s’est fait tabasser dans les instants qui ont suivi cette rencontre.

L’attaque et les coups ne seront jamais montrés. Mais les stigmates sur le visage d’Adi la rendent physiquement présente tout au long du film. Cette agression est l’élément déclencheur de tout ce que le réalisateur va ensuite observer de manière presque clinique. Car évidemment, si ce qu’a subi Adi est au début perçu comme une injustice à réparer, notamment par les parents de la victime, dès que l’homosexualité du jeune homme est connue, tout commence à se renverser et la victime devient inexorablement coupable.

Le film déroule ensuite de manière presque évidente les différents fils de l’intrigue. Police corrompue, parents désespérés, services sociaux impuissants, église complice, tout le monde joue son rôle dans cette toile aussi simple que complexe.

Complexe car de multiples relations existent entre ses acteurs et que cela va avoir un impact sur la résolution de cette affaire. Tout le monde semble se connaître et essaye de faire avancer ses pions pour s’en sortir le mieux possible. Simple, car le film est si bien écrit que tout semble naturel. Cela ne pouvait pas se passer autrement. Ce sentiment est notamment construit par la façon dont la caméra suit les personnages d’un lieu à l’autre, juxtaposant dans des plans fixes les dialogues, les compromissions et les négociations avec une précision d’orfèvre. On pense évidemment au cinéma de Mungiu (et notamment Baccalauréat) mais aussi au cinéma iranien (comme le dernier film de Farhadi, Un héros). Un fait divers permet de dévoiler les rouages des mécaniques impitoyables de la société contre lesquelles il semble vain de raisonner.

Face à ce système qu’il décrit minutieusement, Emmanuel Parvu oppose un jeune homme qui refuse de se plier aux injonctions des représentants de la morale. C’est sûrement la plus belle réussite du film : le personnage d’Adi n’est pas réduit à son statut de victime. Il n’a pas honte de ce qu’il est et n’essaye pas de rentrer dans le jeu des institutions. Seule pièce de la mécanique qui tente d’échapper à son engrenage, Adi n’appartient déjà plus à ce monde qui le rejette.

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde n’aura sûrement pas les honneurs de la Palme d’or, mais il est un prétendant sérieux au prix du scénario. Un des beaux moments de cette première semaine du Festival.

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, un film d’Emmanuel Parvu, avec Ciprian Chiujdea, Bogdan Dumitrache et Valeriu Andriuță. Date de sortie inconnue.

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