Hunger Games – La Ballade du Serpent et de l’Oiseau Chanteur : Can You Hear the People Sing ?

Rien de mieux pour prendre un bon coup de vieux en pleine poire qu’un nouvel opus d’une saga qui était populaire quand on était encore jeunes. Un nouveau film Hunger Games en 2023, huit ans après la conclusion des aventures de Katniss Everdeen, ça n’était certainement pas sur les radars de la majorité. Mais les lecteurs des romans de Suzanne Collins étaient probablement au courant qu’elle a publié une histoire originale en 2020 racontant les débuts des fameux « jeux de la faim » du pays de Panem, et la jeunesse du très méchant président Snow. Francis Lawrence, qui a réalisé trois des quatre premiers volets, reprend du service aujourd’hui et nous ramène au Capitole, longtemps avant l’histoire de la révolutionnaire au geai moqueur.

Replaçons le cadre rapidement : l’histoire se passe dans un univers dystopique (qui ressemble un peu trop à notre vrai monde véritable de la réalité réelle de 2023, mais on en reparle plus loin), où le pays de Panem est divisé selon des strates sociales bien distinctes. Il y a le Capitole, là où sont les puissants, et il y a les districts qui l’entourent et qui sont en gros les exploités. Plus on s’éloigne du centre, plus les districts sont pauvres et soumis à la domination du Capitole ; je simplifie à mort, si des lecteurs des bouquins me lisent ici veuillez ne pas vous emporter, j’ai déjà dû me battre avec des fans de Détective Conan pour des approximations une fois je ne veux pas revivre ça.

L’action de ce nouveau film se déroule 64 ans avant ceux de la saga de départ. La révolte des districts rebelles vient tout juste d’être écrasée par le Capitole, et les Hunger Games viennent d’être mis en place par les dirigeants de ce dernier pour punir les districts. Depuis dix ans donc, les districts sont forcés d’envoyer un jeune homme et une jeune femme se battre dans une arène, afin de leur rappeler qui c’est les patrons, putain. Le héros du film est un jeune Coriolanus (littérament un prénom de MERDE) Snow, bien avant qu’il devienne président et alors qu’il tente d’obtenir une bourse pour sortir sa famille de la pauvreté. Lui et ses camarades apprennent au début du film que pour obtenir cette bourse, il leur faudra devenir les ambassadeurs des candidats des prochains Hunger Games ; pas forcément gagner, mais savoir se démarquer. Evidemment, Coriolanus (prout) récupère la pire tribut possible : une pariah du 12ème district, Lucy Gray Baird, qui est hélas le seul vrai point noir du film. Car il faut le dire, en dehors de ça le film est une réussite sincère. Joliment mis en scène, avec encore une déco au top du top et des costumes ultra bien pensés… Y’a pas à dire, ça a de la gueule.

Hunger Games' Prequel 'The Ballad of Songbirds and Snakes': Everything We Know
Alors que merde, Rachel « Maria Maria Mariiiaaaaaa » Zegler méritait tellement mieux

D’abord parce qu’il fait partie des trop rares prequels à choisir un axe à la George Lucas, en se consacrant à l’origin story du big bad méchant vilain. Le spectateur avisé bénéficie alors de tout le pouvoir conféré par l’ironie dramatique et passe son temps à se demander quand est-ce que Coriolanus (caca) va basculer vers le froid calculateur qu’on a appris à connaître. Il est plutôt inattendu de voir un tel protagoniste dans un film destiné aux adolescents, surtout en comparaison des autres adaptations de romans jeunesse à succès, et ça n’est pas déplaisant. Tom Blyth parvient à être à la fois très charmant et haïssable dans son rôle ; ses origines sociales contrastées, ses prises de décisions impulsives et sa lente transformation vers un être purement mu par l’intérêt personnel sont autant de raisons qui font la réussite du film. Coriolanus (comme l’anus des fesses là) est entouré de personnages fascinants, comme la grande méchante interprétée par Viola Davis, le professeur dépressif campé par Peter Dinklage, et le camarade de classe Sejanus (encore un cul) Plinth, qui lui est joué par le jeune et talentueux Josh Andrès Riveras, autre rescapé du West Side Story de Spielberg. Là où le personnage (principal !) de Lucy Gray Baird déçoit en revanche, c’est qu’elle est écrit avec le cul. Alors qu’elle s’appelle même pas anus, elle.

Les motivations de l’héroïne sont si vagues, sa backstory si évasive et brumeuse, qu’on a du mal à voir en elle autre chose qu’un levier pour le développement du personnage de Coriolanus (j’arrête, vous avez compris). Pire, son côté gitane lui donne un air de stéréotype à la manic pixie dream girl, pleine de fantaisie et sans réelle personnalité. Pourtant il y avait un vrai potentiel avec ce personnage ; déjà parce que son côté musicienne lui confère un décalage permanent avec l’univers dans lequel elle évolue, comme si elle s’était trompée de film et évoluait par erreur dans une comédie musicale. Ensuite parce que son détachement à l’organisation sociale des districts permet de prendre du recul vis-à-vis de tout le cadre politique du récit. On y était presque, c’est dommage.

Et c’est justement ce cadre politique qui est la grande réussite du film. Là où la saga de Katniss Everdeen s’intéressait à une propagande d’état colonial oppresseur bien installée, ce nouvel opus permet de montrer les fondations d’une telle approche dictatoriale totalitaire. La télévision comme un outil de manipulation des discours, pour représenter les opprimés comme des ennemis violents et assoiffés de sang, voilà bien l’esprit des Hunger Games ; et la résonance avec notre géopolitique contemporaine ne fait que donner du crédit à la pertinence de cette représentation très sombre du monde de Panem de Coriolanus (le CUL ! Pardon j’ai menti maintenant j’arrête).

Récemment on a vu circuler sur les réseaux sociaux un extrait du troisième film Hunger Games, dans lequel Katniss réagit à la destruction d’un hôpital devant les caméras des révolutionnaires qui se rebellent contre le Capitole, utilisé pour interpeller les internautes au sujet du conflit entre Israël et Hamas. Si le cinéma – et ce nouveau film – peut encore parler du réel à travers la science-fiction, peut-être que tout n’est pas encore perdu.

Hunger Games, La Ballade du Serpent et de l’Oiseau Chanteur, un film de Francis Lawrence, au cinéma le 15/11/2023.

About The Author

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.