Acide : pas de retraités sur une planète mouillée

Le deuxième film du réalisateur qui n’a pas de prénom, après le remarqué La nuée, s’appelle Acide et était présenté non pas dans la sélection éponyme mais en séance de minuit à Cannes 2023, ce qui est un premier contresens, mais passons.

Puisqu’à minuit votre serviteur n’est pas de ceux qui vont au cinéma ou en boîte sur la Croisette (pas envie, pas de ticket et pas invité, de surcroît), celui-ci s’est rabattu sur la séance du lendemain 13 heures, dans une salle remplie de festivaliers aux gueules de punis. Faut dire qu’une séance de minuit à 13 heures, c’est un deuxième contresens. Et puis Cannes n’a pas franchement pour habitude de placer les chefs-d’œuvre sur ces créneaux horaires.

Sur le papier, le film pue pas mal, et pas seulement parce que c’est un Guillaume Canet movie avec Pathé aux commandes : c’est l’histoire d’un daron et de sa fille qui tentent d’échapper à une pluie devenue acide à cause du dérèglement climatique. Bref : ça fleure l’idée pourrave que j’ai souvent dans la nuit, et que j’expose alors en la réveillant à ma compagne, qui me répond « oui oui et ensuite ? » ; « ah oui t’as raison, c’est nul ». Ce qui a clairement le plus manqué à Just Philippot sur ce film, c’est ma compagne. Car comme beaucoup de films qui fleurent l’idée pourrave ai-je remarqué, c’est en effet pourrave.

« Mais on va où maintenant ? »

Il y a une scène qui m’a beaucoup amusé dans Acide, elle intervient dans son dernier tiers. Dans une bagnole, Guillaume Canet épuisé de tenter d’échapper aux averses, tel un Parisien en vacances en Normandie, se voit vivement questionné par sa gamine à l’arrière du véhicule : « Mais on va où maintenant ? Et on fait quoi ? » « Tais-toi », qu’il lui répond, rincé.

Ce qui est assez rigolo, c’est qu’il faille attendre ce moment du film pour qu’enfin cette question du « on fait quoi » lui soit posée ; parce que le spectateur, en tout cas ma pomme, n’a jusqu’alors absolument pas compris ce que les personnages font. Où alors peut-être sont-ils complètement cons, à l’image du premier réflexe de Canet qui, lorsque les premières pluies générant d’immenses dégâts interviennent, met son doigt dans une flaque puis le sent. On n’est pas sur un Prix Nobel.

Surtout, imaginons : la pluie devient en effet toxique, c’est la merde parce qu’on a pris à la légère le dérèglement climatique et tout et tout ; plausible.
Plausible, et auquel cas, quel genre de teubé va se dire dès lors que les intempéries commencent qu’il va se barrer de chez lui pour se mettre en mode road-trip ? Non gros, tu te barricades, tu dis à tes potes de faire pareil et vous faites des Zoom, ça s’appelle le confinement et c’est chouette parce qu’on peut passer la journée en pyjama à regarder Ted Lasso en actualisant de temps en temps Slack, histoire que tes patrons pensent que tu bosses.

Dans un tel cas de figure, faut quand même être sacrément con pour se retrouver sous la flotte à chaque nouvelle averse, mais c’est le sort réservé à nos petits héros sans parapluie. Dès qu’ils trouvent un refuge, et quand bien même celui-ci est attaqué par la flotte, ils n’ont qu’une hâte, c’est de le quitter, mais on ne sait jamais trop pourquoi.

Il y a aussi cette scène magique où, dans une maison où il a trouvé refuge avec sa fille et est accueilli par une maman et son gamin qui souhaitent économiser la nourriture pour se rationner, Guillaume Canet va piller les baraques des voisins et ramène une boîte de raviolis. Tout le monde mange autour de la table, mais la maman hôtesse est moyen contente de bouffer de la bouffe volée quand Canet s’agace en retour : « TU VAS PAS NOUS FAIRE CHIER POUR UNE BOÎTE DE RAVIOLIS ?! » Vrai bonhomme.

Moi je pense que les gens qui écrivent ces scènes et ces dialogues sont dans une optique de sabordage du film, mais c’est une opinion qui n’engage que moi.

Guillaume Canet est prêt à tout pour sauver sa fille, donc, y compris voler des raviolis. Dans le film, il incarne on comprend pas trop pourquoi un syndicaliste, c’est d’ailleurs la scène d’ouverture. Il est violent avec un méchant patron, et est donc placé sous surveillance avec bracelet électronique, ce qui n’aura absolument aucun impact sur la suite du récit. Le seul truc un peu sensé eu égard à cette caractérisation incompréhensible du personnage, c’est un dialogue rigolo où il se chamaille avec sa gamine, en disant que la lutte syndicale est plus importante que celle pour le climat. Ça dure 23 secondes environ, ça vient comme un cheveu sur la soupe, et ça m’a juste donné l’idée du titre de cet article.

Car dans Acide, rien n’est clair, abouti, on a l’impression qu’il manque des plans pour que l’on comprenne le film. On croise des personnages que l’on perd sans trop savoir pourquoi ni comment, on apprend parfois des morts comme ça au détour d’une phrase, ça émeut un peu les persos qui vite se ressaisissent. Sauf la gamine, qui passe son temps à hurler « à l’aide », au point que j’ai décidé de penser que c’était à moi qu’elle s’adressait, paumée dans un projet auquel elle ne pige pas grand chose de plus que moi. Depuis mon siège bien confortable lors de la première journée ensoleillée du festival 2023, je peux vous dire que je l’ai regardée galérer sans aucune pitié.

Aux manettes de tout ça il y a donc Pathé, dont les dirigeants promettaient il y a quelques mois un cinéma français plus ambitieux, plus grand public, plus grand spectacle, pour relancer l’industrie du 7e art et tout. S’il a cette gueule-là, le cinéma français du futur, nous on placerait bien le truc en vigilance rouge.

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