Cat Ballou : Jane Fonda, et je fondis

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Le romancier Roy Chanslor n’est pas étranger aux adaptations de ses œuvres en western à succès. Ceux qui connaissent son célèbre Johnny Guitare et sa version filmique seront surpris de voir cette interprétation d’un autre roman dans un style totalement différent. Loin de l’atmosphère à la film noir du Nicholas Ray, la plume sombre et torturée de Chanslor est transformée par le réalisateur Elliot Silverstein pour faire Cat Ballou : une farce satirique bien étrange, qui joue avec les codes d’un western depuis longtemps passéiste lors de sa sortie dans les salles obscures américaines, en 1965.

En effet Cat Ballou est une comédie très curieuse, à l’aura presque anachronique à sa sortie en 1965 – à commencer par son générique à l’ancienne, composé de cartons successifs, et par sa musique orchestrale très « Frontierland à Eurodisney » de Frank de Vol. Le film raconte les aventures de Cat Ballou (au moins y a pas de publicité mensongère), jeune femme qui attend la potence pour avoir commis un crime qu’on ignore encore. Deux guitaristes-chanteurs, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Nat King Cole et Stubby Kaye, font alors office de narrateurs : de chansons rétros en ballades vieillottes, ils nous racontent comment on en est arrivé là.

Pour faire simple : Cat Ballou rentre chez son père fermier, fraîchement diplômée pour devenir institutrice, et découvre qu’un connard de capitaliste veut prendre son ranch. À l’aide d’un criminel qu’elle a aidé à fuir (par inadvertance, façon ingénue) dans son train de retour et de Lee Marvin, super cowboy badass sauf quand il est bourré, et d’un natif américain joué par un acteur noir (Tom Nardini, qui a failli finir typecast dans ce genre de rôles le pauvre), Cat Ballou va tenter de défendre son père et sa propriété.

Une histoire qu’on a vu cent cinquante fois, que ce soit au cinéma ou dans la vraie vie (connards de riches), et qui ici est mise en scène sous la forme d’une grande farce légère et endiablée qui a du mal à se prendre au sérieux. Tout le monde en fait des caisses sauf l’actrice principale qui n’est autre que la désormais célèbre Jane Fonda ; un casting métatextuel puisqu’en jouant une fille de rancher dans un western, elle rappelle évidemment tout l’héritage de son paternel Henry.

À le découvrir aujourd’hui pourtant, on a du mal à voir ce qui a pu tant plaire dans le film en 1965. L’humour tombe souvent à plat, les décors ne sont pas des plus enchanteurs, les scènes d’action sont plutôt banales et la comédie n’est pas bien méchante mais oublie souvent de faire rire, ce qui est quand même un peu son objectif premier. Bon, quand même, on sauve un passage totalement lunaire où le père de Cat Ballou essaie de faire avouer au personnage natif américain que son peuple descend d’Israël, parce que c’est toujours sympa de se rappeler que le complotisme débile n’est pas né de la dernière pluie.

Ils ont des chapeaux de cow-boys, vive les campagnols !

Mais ce qui rend le film encore sympathique aujourd’hui, c’est surtout et presque uniquement Jane Fonda. Contrairement aux autres qui en font souvent des caisses, elle abandonne totalement la surenchère de la farce pour s’efforcer de jouer juste et avec sincérité, et voilà : ça fonctionne. Jane Fonda est touchante, séduisante, parfois naïve parfois maligne et toujours rebelle. En bref, c’est déjà une star. C’est d’autant plus flagrant si on regarde le film dans sa version doublée en français puisque Cat Ballou fait partie des très rares films où Jane Fonda se double elle-même ! Avec un petit accent certes, mais c’est particulièrement savoureux.

Pourtant en 1965 ce n’est pas Jane Fonda qui a retenu l’attention du public, mais Lee Marvin pour son rôle de vieux cowboy alcoolique – au point de gagner l’Oscar du meilleur acteur cette année-là, face à des gros calibres comme Laurence Olivier et Richard Burton. Le film a aussi été nommé à l’époque pour son montage, son scénario, sa musique et ses chansons, et encore aujourd’hui il figure de manière totalement inexplicable dans le top 10 des Western de l’American Film Institute, et est le 7ème plus gros succès au box office. Difficile de réellement savoir comment un film aussi tourné vers le passé a pu aussi bien fonctionner en 1965, mais il ne faut pas oublier que cette décennie de révolutions culturelles est aussi marquée par une résistance conservatrice à ces nouvelles idées. C’est également le cas au sein du cinéma et de la culture populaire… Ainsi en 1965 alors que le Vietnam et les droits civiques sont sur toutes les lèvres, Hollywood se raccroche encore à ses gloires d’antan en proposant des œuvres comme The Sound of Music et Cat Ballou, totalement aveugle aux bouleversements qui font rage dans le pays et dans le monde.

Car un an auparavant, un autre western allait complètement changer la face du cinéma et dynamiter le genre sans qu’il ne puisse jamais s’en remettre totalement. Ce western, qui n’est finalement sorti qu’en 1967 au États-Unis, met en scène Clint Eastwood pour la première fois devant la caméra d’un certain Sergio Leone…

Cat Ballou, un film d’Elliot Silverstein avec Jane Fonda, sorti en 1965 et disponible sur Ciné +

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1 thought on “Cat Ballou : Jane Fonda, et je fondis

  1. Bonsoir ‘captain Jim’,
    Bien sûr que certains vous lisent, je trouve ce film certes désuet mais très agréable,
    j’ai apprécié certains gags, (ce n’est pas parce qu’on a un colt pointé sur soi qu’on est
    obligé d’obéir, ou qu’un braqueur peut commencer sa déclamation en oubliant son arme)
    et puis il y a quand même des surprises dans le scénario (avec le père par exemple)
    bref, un western en forme certes de farce et qui nous fait simplement passer un moment délicieux.
    Quand à l’oscar de Lee Marvin, il est bon de noter qu’il campe quand même les 2 personnages les plus ‘haut en couleur’ du film, et un grand prix pour une comédie, c’est assez rare .) merci pour votre site

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