Knock at the cabin de M. Night Shyamalan : Knockin’ on Apocalypse’s Door

            La carrière de M. Night Shyamalan est un chemin épineux qui, en fonction des kilomètres parcourus, donne envie de continuer ou de faire demi-tour. S’étant fait connaître avec le désormais culte Sixième Sens, le réalisateur, à la naissance du XXIe siècle, ne s’est pas arrêté à un unique chef-d’œuvre puisqu’il a réussi à en sortir deux autres à sa suite, Incassable en 2000 et Signes en 2002, qui permettent de confirmer la patte particulière et les thèmes de cet artiste surdoué. Pour la suite, les débats sont plus contrastés. Quoi qu’on pense des films qui ont jalonné sa carrière à partir du Village, si on est adorateur de la première heure – comme c’est mon cas – on va toujours voir avec un grand espoir chacune de ses productions, priant pour que ses premiers exploits se répètent (pour ma part avec Split et Glass, il a renforcé mon amour). Malheureusement, ce n’est pas toujours réussi et les derniers films de M. Night Shyamalan se retrouvent facilement taxés de clichés, programmatiques, grotesques même.

On a rapidement eu la sensation d’avoir cerné le bonhomme, d’avoir compris toutes ses mécaniques et connaître par cœur ses sujets favoris, celui de la croyance, celui du deuil, celui du méta, des histoires, etc. Paradoxal qu’un réalisateur qui s’est fait connaître pour sa maîtrise du mystère soit celui dans lequel on pense tous pouvoir lire comme dans un livre ouvert. Si je parle tant de M. Night Shyamalan avant d’évoquer sa dernière sortie, Knock at the Cabin, c’est parce que je suis une grande admiratrice de son cinéma tout en me demandant à chaque film vu, « pourquoi le suis-je ? ». Il y en a plus que je trouve moyens qu’excellents, j’ai l’impression qu’il me fait monter chaque fois dans le même manège et pourtant je continue de me laisser embarquer, parce que lorsqu’il réussit ce n’est jamais à moitié et que je préfère toujours parler de lui en bien plutôt qu’en mal. Pourtant, Knock at the Cabin n’a pas réussi à entièrement m’emporter.

            Bataille de regard au sommet

Adapté du roman The Cabin at the End of the World de Paul G. Tremblay, le film raconte l’histoire d’un couple d’hommes gays et de leur petite fille adoptive qui se font séquestrer, dans une maison de vacances perdue dans la forêt, par quatre personnes étranges qui les mettent face, avec une étrange douceur doublée d’une certaine agressivité en dernier ressort, à un dilemme presque insoluble : la charmante famille doit sacrifier l’un des siens, sinon, ce sera la fin du monde. Ce postulat offre une tension assez saisissante, notamment parce qu’elle est accompagnée par le doute. La notion de doute parcoure l’œuvre de Shyamalan qui demande presque toujours à ses personnages de croire l’impossible et d’agir sans tout savoir. Dans Knock at the Cabin, ce doute rejoint l’actualité puisque l’effondrement écologique qui nous menace est sans cesse remis en question, à la fois par le pouvoir qui relativise et par des complotistes qui s’illusionnent. Par ce doute constant, le spectateur durant une bonne partie du film, n’arrive pas à savoir si les quatre inconnus sont une bande d’illuminés se raccrochant à une idéologie catholique pour persécuter des homosexuels, ou s’ils ont bien prédit notre fin à tous·tes à coup d’épidémies, de tsunamis, de défaillances de notre technologie. Alimenté par les chaînes d’info Knock at the Cabin parvient à retranscrire une sorte d’anxiété que l’on vit maintenant tous les jours à voir des événements horribles s’enchaîner les uns à la suite des autres sans pouvoir rien y faire. Or, dans ce film, on promet à trois personnes qu’ils peuvent justement agir.

            Le fait que le couple principal soit un couple homosexuel rajoute une ambiguïté et des questionnements. L’un des deux hommes, Andrew, se demande dans quelle mesure il ne s’agit pas juste d’une machination religieuse homophobe puisque des références à la Bible sont énoncées par les persécuteurs qui ont vu venir une Apocalypse comme on peut la retrouver dans les textes sacrés. D’un point de vue purement métaphorique, dans ce scénario, la survie d’une famille gay menace le monde – comme le pensent les milliers d’abrutis qui peuvent défiler dans Paris de temps à autre sans réussir à comprendre que ce sont eux qui pourrissent chaque particule d’air de notre pauvre atmosphère déjà fatiguée. Tous les éléments sont en place pour une sorte de drame thriller huis-clos qui fait écho à des dilemmes humains cornéliens et à des actualités et oppressions brûlantes. La mise-en-scène toujours très intéressante de M. Night Shyamalan intensifie avec brio tous les éléments. Ce réalisateur, c’est bien connu, ne cadre pas comme les autres et toujours il y a une petite idée, un certain mouvement, une manière de faire durer un plan qui amusent et surprennent le regard. Tout n’est pas toujours réussi mais cette réalisation presque ludique et assez surlignée fait la sève d’un film qui aurait pu s’effondrer entre les mains d’un artiste moins habile.

De l’importance d’une famille unie

Pourtant, et c’est souvent ce que l’on a tendance à reprocher à sa filmographie (à tort ou à raison en fonction des cas), le film peine à conclure ses bonnes idées amorcées. M. Night Shyamalan est un très grand humaniste, mais peut-être pas un très grand penseur de la société actuelle. Les minorités sont présentes dans son cinéma et en même temps souvent dépouillées des réflexions sociales et politiques qu’elles impliquent. Ainsi, il peut à la fois fournir des représentations puissantes, empathiques et touchantes des maladies mentales dans Split ou Glass ; et en même temps écrire un personnage cliché avec des relents de psychophobie dans Old. Son Avatar Le dernier Maître de l’air est gonflé de white washing mais le film d’après a des personnes noires pour protagonistes (ces deux exemples sont un peu grossiers de ma part car au vu des résultats on dirait que ces films ont été fait avec un couteau sous la gorge). Avant toute chose, tout le temps, les scénarii de M. Night Shyamalan parlent de l’Humain et de ses émotions avant de correctement l’insérer dans une société (exceptions faites de Incassable, Split ou Glass, pour toujours une trilogie politique passionnante). Ses concepts d’intrigues, en général, créent des mini-sociétés avec les membres et les oppressions qui l’arrangent pour faire avancer son histoire, ce qui explique pourquoi ses microcosmes créées sont parfois incohérents les uns avec les autres. Sans en dévoiler la fin, Knock at the Cabin, selon moi, n’a pas entièrement conscience de la mesure sociale de ce qu’il montre et n’explore donc pas des sentiers qui auraient été plus intéressants. Voulant se concentrer sur la question de la famille, du sacrifice, de la religion, le réalisateur en oublie le reste. Parce que ce n’est pas ce qu’il veut raconter.

            Il est difficile de reprocher à un réalisateur de ne pas avoir fait ce qu’on aurait attendu, puisque dans l’intrigue qu’il veut monter tout fonctionne. Je ne peux quand même pas m’empêcher de finir la projection un peu frustrée parce que l’actualité des sujets et thèmes abordés aurait mérité plus de réflexions. Finalement, Knock at the Cabin est un pur film sur l’Humanité, et en ça il est très beau, mais il y a quelque chose qu’il a fini par oublier : ce fameux doute qui lorsqu’il n’existe plus me fait douter de son cinéma.

Knock at the Cabin, un film de M. Night Shyamalan, en salles le 1er février 2023.

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1 thought on “Knock at the cabin de M. Night Shyamalan : Knockin’ on Apocalypse’s Door

  1. Comme ils enseignent dans https://wiflix.blue/drame/ les films … Le chagrin inconsolable et la joie orageuse agissent presque de la même manière sur une personne, et lorsqu’ils nous tombent dessus par surprise, ils peuvent provoquer un tel choc et une telle confusion que nous perdons souvent toutes nos capacités.

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