Sin city : Polar express

Entre 1991 et 200, Frank Miller, devenue l’un des plus grands noms de l’industrie du comics avec ses interprétations très marquées de Daredevil et Batman, publie une saga qui continue son histoire d’amour avec la série noire : Sin City. En 2005, le comics est adapté au cinéma par lui-même et Robert Rodriguez en co-réalisation (et un petit coup de pouce de l’ami Tarantino sur une scène). L’adaptation se veut très fidèle à l’œuvre originale tout en innovant formellement. Succès critique et public à sa sortie, Sin City a marqué une génération avide de voir des transpositions sur grand écran réussies de comic-books adultes.

Alors qu’est-ce que ça donne en 2023, Sin City ? Les étoiles de Frank Miller et Robert Rodriguez ont depuis fortement pâli respectivement pour des œuvres au propos polémique, et pour des œuvres à la qualité discutable. Et il est indéniable que Sin City ne correspond pas vraiment aux codes d’une société ayant (un peu) évolué notamment dans la représentation de la femme… Entre l’hommage et la parodie des films noirs, Sin City s’amuse à amonceler tous les clichés liés au genre. Tous les hommes sont bourrus, toutes les femmes sont sexys et dangereuses, tous les héros sont torturés, toutes les institutions sont corrompues. Vous connaissez la chanson. Dans ce contexte, qui ne dépaysera pas le spectateur, le film brasse plusieurs histoires tirées du comics original qu’il mélange avec plus ou moins de succès. On peut donc distinguer 3 intrigues principales (et une petite en ouverture et conclusion),  qui laissent la part belle au règlement de compte, aux sacrifices, à l’honneur et aux bonhommes. Malheureusement, le film n’a pas le temps de déployer son univers et les intrigues filent à toute berzingue, comme disent les jeunes, et ne prennent jamais en épaisseur. On se contente donc d’apprécier le travail visuel qui continue toujours d’impressionner. Rares auront été les adaptations à assumer autant leur origine de comic-book tout en réussissant à trouver ce que le médium cinéma pouvait apporter en dynamisme et puissance visuelle. Chaque plan semble réfléchi pour faire vivre cette ville sanglante et ses personnages cabossés. Le casting impeccable (Bruce Willis, Jessica Alaba, Rosario Dawson, Mickey Rourke, Clive Owen, Benicio del Toro…) joue entre le premier degré et la parodie la galerie de loustics imaginée par Frank Miller. On en a donc plein les mirettes.

Moi quand je me rase le lundi matin

Mais il est difficile de satisfaire de cet étalage d’innovation technique, tant ce qui est raconté peine à captiver. A force de vouloir rendre hommage à l’existant, le film oublie de jouer sa propre partition derrière ses innovations formelles. Les histoires de trahison, de code d’honneur, d’amour contrarié sentent le réchauffé et auraient mérité un petit rafraichissement par rapport aux comics des années 90. On finit donc par se désintéresser de cet univers qui ne trouve jamais sa place entre une forme de parodie des codes, et un premier degré un peu lourdingue. Cela explique qu’une des intrigues nous montre une histoire d’amour entre un policier et une jeune fille des années après qu’il l’ait sauvée alors qu’elle était une petite fille. Difficile de ne pas grincer des dents…

Sin City a vieilli. Étonnamment pas pour ses aspects techniques et graphiques qui restent une réussite et un modèle d’adaptation de comic-book, mais pour son univers finalement bien fade derrière une pseudo-subversivité de virilité toxique. Cela reste un exemple d’adaptation réussie et mérite le détour pour cela, car après tout, c’est peut-être tout simplement l’œuvre de Frank Miller qui a pris un coup de vieux…

Sin City, de Frank Miller et Robert Rodriguez, avec Bruce Willis, Jessica Alaba, Rosario Dawson, Mickey Rourke, Clive Owen, Benicio del Toro… Disponible sur Ciné+

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