I’m Your Man : l’androïde qui m’aimait

C’est dans sa première scène que le film de la réalisatrice Maria Schrader (dont le film She Said est actuellement au cinéma) dévoile sa plus belle idée. Une femme nommée Alma (Maren Eggert) est accueillie dans un bar plutôt branché, puis assise à la table du beau Tom (Dan Stevens) : c’est une première rencontre. On comprend rapidement dans la scène, mais aussi parce qu’on a lu le résumé et vu l’affiche, que Tom n’est pas un humain mais une sorte d’intelligence artificielle.

Ainsi nous avons droit à une sorte de comédie romantique où les atomes crochus sont plutôt neutres et quantiques. C’est une vraie vanne de scientifique, on a fait des recherches pour la faire, on la comprend pas vraiment par contre donc faîtes comme nous, riez poliment.

Sauf qu’Alma n’est pas vraiment là pour un rendez-vous galant mais pour une expérience. Elle-même anthropologue/archéologue, c’est-à-dire étudiant ce qui fait la nature humaine et les civilisations, trouve ici un nouveau sujet d’étude. Un homme qui ne l’est qu’en apparence, dont le charme et les gestes précis trahissent les circuits imprimés qu’il cache sous ses jolis traits (oui on trouve Dan Stevens beau, comme toute personne normalement constituée).

Qui est assez imparfait, car pensé pour être le parfait romantique qui connaît la poésie, déborde de galanterie et ne peut pas bander sans d’abord être embrassé (idée hilarante dans le film), et qui va donc intéresser le personnage d’Alma, incapable de le traiter autrement qu’une machine.

Les intelligences artificielles sont au coeur de nombreux débats aujourd’hui, comme en atteste les discussions houleuses autour des programmes capables de générer des oeuvres d’arts et d’imiter des artistes humains comme Midjourney et Dall-E, ou même un dossier conséquent dans le dernier numéro du magazine Society. L’idée est à la fois de repenser le sens du mot intelligence, car si on se limite à la simple notion de connaissance les machines nous font mordre la poussière, mais également celui du mot expérience. Ce qui est peut-être l’essence de l’être humain. La particularité des intelligences artificielles comme le Tom du film de Maria Schrader, c’est qu’elles ont cette capacité à apprendre, à expérimenter des choses. Il arrive même à apprendre le sarcasme et jouer de sa propre nature d’automate.

Il fallait au moins aussi mentionner la présence de la géniallissme actrice Sandra Huller au casting, c’est maintenant chose faite.

Dans I’m Your Man, cette approche de l’expérience passe par la notion de poésie (et d’art en général), où l’on voit comment Tom passe d’un connaisseur capable de citer des vers comme un insupportable intellectuel à lunettes (si jamais vous êtes blessés par cette vanne enlevez vos lunettes ce sera comme si elle n’existait pas) à un personnage dont on commence à croire qu’il est capable de créer lui-même des moments de grâce, par accident. De vivre, en vérité.

Mais la vérité, c’est que Maria Schrader semble peu intéressée par la question de l’intelligence artificielle, et c’est là où l’on doit revenir à la toute première scène du film. En vérité c’est un prétexte pour parler du personnage d’Alma comme une personne blessée et renfermée sur elle-même. Incapable de s’ouvrir aux autres, ni de voir les autres autrement que comme elle a décidé de les voir, elle va donc apprendre en la compagnie de Tom à laisser tomber quelques barrières. C’est pour cela que la scène d’ouverture est particulièrement jolie en fait : nous tous, lors d’une première rencontre, nous comportons comme Alma.

Un premier rendez-vous, c’est un test. On explore la personnalité exposée de l’autre, on sonde une carapace plus ou moins épaisse à l’aide de questions pour mieux savoir si on est prêts à échanger nos salives, et par là même nos vulnérabilités. En cela Tom n’est pas juste un automate, c’est un personnage sans arrière pensée. Il n’a pour seul carapace que sa tentative de faire semblant d’être un humain, et c’est justement dans la recherche de la vérité de leur être à chacun qu’une connexion sera possible. Car au fond, quand l’amour est, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir à le définir. Il est, et nous sommes.

C’est justement là que le film trouve ses limites, puisque sa conclusion est un peu brouillonne et peine à réconcilier les aspirations de science-fiction avec la comédie romantique, la faute à une écriture par moments maladroite et une mise en scène un peu trop téléfilm qui ne traduit pas à l’image les idées qu’on nous propose textuellement. Mais cela vaut quand même le détour, ne serait-ce que pour admirer Dan Stevens s’éclater et être extrêmement beau. On vous a dit qu’il est très beau ?

I’m Your Man, un film de Maria Schrader sorti en France le 22 juin 2022 et en DVD aux éditions Blaq Out en décembre 2022.

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