Bodies Bodies Bodies, dans nos corps-à-corps

Point contexte : j’ai vu ce film dans le cadre du festival Fantasia. Qu’est-ce que Fantasia, me demanderez-vous ? Eh bien, c’est le cousin montréalais de l’Étrange Festival, en quelque sorte. Un festival de films de genre – fantastique, horreur, thriller et plus généralement des films impossibles à classer style Tokyo Tribe de Sion Sono ou Promare de Hiroyuki Imaishi (deux films que j’ai découverts grâce à ce festival donc), avec une excellente ambiance et plein de pépites introuvables ailleurs.

Quand la pluie arrive après 3 mois de canicule

Bodies Bodies Bodies (soit Corps Corps Corps au pluriel en anglais, et qui ne semble pas avoir été traduit au Québec car il s’agit d’un jeu, donc d’un nom propre), c’est une petite bande d’étudiant.e.s & ami.e.s qui se retrouve dans l’immense maison de l’un d’entre eux (Pete Davidson) pour y passer le week-end en l’absence des parents. Sur les sept personnes présentes, il y a trois couples, dont deux extrêmement récents (entre six semaines et deux mois, respectivement.) En dehors des « pièces rapportées » (Lee « DILF » Pace et Maria Bakalova, découverte dans Borat 2), les cinq autres se connaissent depuis quasi toujours et partagent affections, rancœurs et non-dits, qui bien évidemment ressortent quand les choses se corsent.

Comme pour les tragédies classiques, nous avons l’unité de lieu (le manoir), l’unité de temps (à peu près 24h), et pour l’unité d’action, eh bien il va falloir survivre, tout simplement – et on sait comment ça se finit généralement dans les tragédies grecques. Le jeu en question, « Bodies Bodies Bodies » donc, consiste à désigner par tirage au sort un tueur ou une tueuse, qui devra éliminer les autres en les touchant dans le noir. À chaque « cadavre » découvert, la personne qui est tombée dessus doit crier « body » et les participants restants doivent essayer d’éliminer l’assassin en votant, un peu comme au Loup-Garou, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’assassin soit découvert ou que tous les participants soient « morts ». Sauf qu’un ouragan force 10 coupe l’électricité partout dans la maison, empêche les invité.e.s de fuir et qu’il y a un cadavre très réel… Vous voyez le genre (mais pour ceux et celles qui ne voient pas, ça s’appelle un slasher.)

Quand quelqu’un dit « not all men »

On ne vous dévoilera évidemment pas la fin, mais on peut en revanche parler du reste. Halina Reijn, la réalisatrice néerlandaise, a fait de son premier film en langue anglaise un concentré des obsessions de la génération Z (personnes nées entre la fin des 90s et le début des années 2000) mais pas que, et qui est plutôt réussi, et en tout cas bien drôle. C’est un cocktail de drogues, d’alcool et de « méditation pleine conscience », la fluidité des sexualités et des genres mais la toxicité des relations amicales et amoureuses, l’astrologie et la lutte des classes. Sans jamais être méprisante envers ses personnages, Reijn laisse transparaître une tendresse envers ses personnages féminins – qui sont d’ailleurs les seules représentantes de cette fameuse génération dans le film. Les hommes sont plus âgés, de peu (est-ce que Pete Davidson arrêtera un jour de jouer des hommes refusant de grandir, là est la question) ou de beaucoup, ce qui apporte également son lot de tiraillements dans le groupe.

La réalisatrice embrasse son public cible jusqu’au bout, avec un casting bien étudié. Outre Pete Davidson et Lee Pace donc, il est composé de jeunes actrices en vogue : Amandla Stenberg propulsée par The Hate U Give, Maria Bakalova évoquée plus haut, Myha’la Herrold révélée par la série Industry, Chase Sui Wonders de la série Generation et la géniale Rachel Sennott révélée par le non moins génial Shiva Baby. Ajoutons à ça une chanson spécialement conçue par Charli XCX pour le film, et le compte est quasi bon.

Sans révolutionner le genre, Bodies Bodies Bodies est un film bien dans son temps sans pour autant risquer d’être vite daté, fun avec une pointe de sarcasme qui ne manquera pas de nous faire un peu grincer des dents, ou de nous faire rire, tout simplement. Un plaisir de l’été à ne pas bouder !

Bodies Bodies Bodies, un film d’Halina Reijn, avec Amandla Stenberg, Rachel Sennott, Pete Davidson… 1h35. Déjà en salles au Québec, sortie française à déterminer puisque produit par A24 (désolée)

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