L’Année du Requin : à la Pointe, on a les crocs

Après le loup-garou, on passe au requin. Chez les Boukherma, on aime les dents longues ! Chez Cinématraque, je vous avais déjà dit tout le bien que je pensais à l’époque de Teddy, dont la sortie a été repoussée à plusieurs reprises en raison du Covid. Dans L’année du requin, les frères Boukherma n’ont rien perdu de leur amour pour le cinéma de genre et de leur humour mordant (vous l’avez ?).

Alors que tout le monde voudrait la voir partir à la retraite, Maja Bordenave (Marina Fois) s’accroche à son poste de gendarme comme une moule à son rocher. Son mari Thierry (Kad Merad), surtout, rêve de se la couler douce au camping en compagnie de sa chère et tendre… L’arrivée d’un requin au large du Cap Ferret sème la terreur sur les plages, mais c’est sans compter sur Maja et ses acolytes, bien décidés à lui régler son compte. 

Un peu bêtement désigné par certains comme un remake des Dents de la mer, L’année du requin emprunte certes beaucoup au film de Steven Spielberg, mais n’y a-t-il qu’un seul film de requin au monde ? Spoiler alert : non. En France, par contre, c’était pas trop notre délire. Plutôt normal, puisqu’il n’y a à première vue aucune raison qu’un aussi gros poisson ne vienne nous bouffer les gambettes sur les plages de l’hexagone. Pour autant, dans un monde détraqué où des orques viennent désormais s’échouer dans la Seine, plus rien ne semble déconnant. 

Bon, bah si même un requin s’échoue vraiment dans le Var maintenant, je sais pas ce qu’on va faire. Elle va loin cette promo purée.

Ça, les Boukherma l’ont bien compris : pour rendre leur récit totalement plausible, ils l’insèrent dans un contexte qui tient compte des dérèglements climatiques. Plus réaliste encore : un contexte qui souligne que ces dérèglements pourront causer encore plus d’étrangetés à l’avenir. Tout ça dans un autre contexte post-COVID ! Bah oui, parce que là aussi, c’est loin d’être déconnant. Que l’activité d’une ville touristique soit menacée par l’attaque d’un requin, ça rappelle bien évidemment les menaces contre les festivités du 4 juillet chez l’ami Spielberg, mais dans la France de 2022, ça a toujours autant de sens. 

En tant que gendarme, Maja est en contact avec sa population et se doit de faire tampon entre les festivités menacées et l’agenda politique de la municipalité. À l’image, on voit tout cela sur les plages bondées (c’est bien galère pour poser son cul sur le sable), les réunions municipales chahutées, et au contraste qui oppose un frêle maire surprotégé à l’imposant et impulsif patron d’un parc nautique, toujours à deux doigts du malaise. Aussi à travers les flashs infos radiophoniques de Bernard et Bernard, nos deux complotistes du dimanche sur la déclinaison locale de CNEWS. 

Il suffit d’un gros requin pour foutre le bordel, et voir à quel point cela nous suffit à faire perdre nos repères. Notre confiance envers les institutions, l’autorité, ceux que l’on dresse tantôt comme héros, tantôt comme ennemis. Comme avec Teddy, les Boukherma parviennent avec L’Année du Requin à utiliser un mythe du cinéma de genre et à se le réapproprier pour brosser le portrait de la « petite » France. Celle qui galère, celle qu’on méprise, sans jamais être méprisant, justement.

La galérienne en chef, c’est justement Maja. Celle qui ne se voit tellement pas être autre chose que gendarme que sa garde-robe se compose uniquement des mêmes couleurs que celles de son uniforme. Celle qui s’endort avec un portrait de De Gaulle au dessus de son lit. Dans le rôle, Marina Foïs excelle. On soulignera surtout l’habileté derrière le gender-swap qui fait de Maja celle qui mène la barque tandis que Kad Merad campe le mari qui attend gentiment à la maison. 

Bref : on ne saura que vous recommander de vous faire une double séance As Bestas/L’Année du requin ces prochains jours pour soutenir le nouveau MCU (Marina Cinematic Universe). Avec ses acolytes Jean-Pascal Zadi et Christine Gautier, on tient les meilleurs gendarmes de France. Ceux qui me feraient regarder Enquête d’action en boucle sur W9 toute une nuit après quatre bières pour les voir coffrer des mecs bourrés. 

L’Année du Requin, réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma. Avec Marina Foïs qui a les crocs, Kad Merad qui voudrait rester pépère à la maison, Jean-Pascal Zadi et Christine Gautier, les meilleurs assistants gendarmes de France. Sortie française le 3 août 2022.

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