Ça fait bientôt trente ans que Kore-eda explore dans son œuvre les liens familiaux. Palmé en 2018 pour le formidable Une affaire de famille, revoilà l’une des figures du cinéma japonais contemporain sur la Croisette avec Les bonnes étoiles, film tourné cette fois-ci en Corée avec un casting de haute volée : Song Kang-ho, Bae Doo-na et la star de la k-pop Lee Ji-eun (IU pour les intimes).
L’exil en Corée n’a pas détourné Kore-eda de ses obsessions. Les bonnes étoiles réinterroge l’essence des liens familiaux à travers l’histoire de So-young qui décide d’abandonner son enfant. Dong soo et Sang-hyeon, salariés d’un orphelinat qui recueille les bébés via des « box », en profitent pour subtiliser le bébé afin de le revendre au meilleur prix, ce qui les mènera à un voyage à la recherche du client le plus offrant. Ils vont vite être rattrapés par la mère de l’enfant mais aussi par la police qui les poursuit discrètement. Toute cette joyeuse troupe va apprendre au fil de l’aventure à se connaître et à s’aimer, constituant progressivement comme dans Une affaire de famille, une famille de fait remplaçant celle que toutes ces pauvres âmes n’ont jamais eue.
Aidé par son formidable casting, Kore-eda prouve une nouvelle fois son talent pour rendre ses personnages infiniment sympathiques. En quelques scènes, Les bonnes étoiles donne de la consistance à toute sa galerie de cœurs cassés, condition indispensable pour ce film qui repose en grande partie sur l’empathie que le spectateur ressent pour leur destin. Ce qui pourrait sembler être une intrigue un peu tarabiscotée autour du trafic d’enfants prend rapidement son sens et nous maintient en alerte en resserrant progressivement les enjeux du film. Souvent drôle, évidemment touchant, et bien rythmé Les bonnes étoiles apporte une légèreté bienvenue à la compétition tout en traitant de manière intéressante la question de l’abandon d’enfants au Japon (le film évacue cependant un peu trop superficiellement la question de l’avortement…).
Moi j’y connais pas grand chose en pop coréenne, mais apparemment Lee Ji-eun en est l’une des grandes stars
En lisant tout ça, vous vous dites de manière très judicieuse : « mais ça ressemble beaucoup à Une affaire de famille qui a été palmé, ça mérite la Palme aussi ? ». D’abord merci pour votre très bonne question, et ensuite, non, le film n’a pas la puissance des grandes œuvres de Kore-eda. Il se perd en effet dans les fils de sa propre intrigue et ne parvient pas à faire surgir de manière organique l’émotion dans son sprint final. Tout devient alors trop explicatif et larmoyant pour convaincre. Souvent funambule sur le fil étroit du mélo, Kore-eda tombe du mauvais côté et force un peu trop le trait dans son dernier acte. Le film à la mise en scène assez discrète ne parvient pas à capitaliser sur la très bonne ambiance qu’il met en place, nous laissant un sentiment de frustration et de déception.
Les bonnes étoiles est donc un film très plaisant qui poursuit la réflexion de Kore-eda sur les familles atypiques mais qui pêche par excès de mélo dans son final. Il y a peu de chances que la Palme retourne au Japon cette année.