Sorti en 1982 en pleine période que l’on appelle aujourd’hui la « ozploitation », Les Traqués de l’an 2000 était à l’origine un ambitieux projet de film. Politique, énervé, graphique… Tout ce qu’on est en droit d’aimer à Cinématraque.
L’action se déroule dans le terrible futur dystopique de l’an 2000 dans un pays qui pourrait être partout mais qui ressemble quand même beaucoup à l’Australie. Suite à des heurts avec la police dans des manifestations musclées, voire stéroïdées, des dissidents politiques se font embarquer dans des camps de travail dans le but de les réformer. Ou les torturer. Ou les deux. Mais surtout, le chef du camp (dont le nom de famille est Thatcher, parce que la subtilité c’est pour les tocards) sélectionne cinq des prisonniers pour qu’ils soient pourchassés par des aristos en manque de sensations fortes. Un pitch qu’on a vu des dizaines de fois, du comte Zaroff à Jean-Claude Van Damme, mais qui reste néanmoins efficace : on n’a aucun mal à croire à la cruauté sans limite des puissants de ce monde.
Malheureusement, le cas des Traqués de l’an 2000 ressemble davantage à un nanar qu’à une vraie réussite de cinéma. Malgré les ambitions certaines du cinéaste britannico-australien Brian-Trenchard Smith, grand habitué du cinéma d’exploitation, le tournage de seulement 28 jours (contre 44 de prévus), les réécritures de scénario constantes, le budget minuscule et le casting aux fraises n’aident pas à convaincre. Sans parler du fait que sur le tournage le réalisateur couchait avec une de ses actrices et s’amusait à insulter un des producteurs exécutifs et assistant réal (étrange double casquette) jusqu’à ce que ce dernier lui verse une bière sur la tête. Sans parler non plus du PUTAIN de LOUP-GAROU qui sort de nulle part en plein milieu du film. Oui, un des aristos assoiffés de sang a une sorte de lycanthrope Aliexpress à ses côtés, ce qui n’aide pas le film à rester crédible.
Il n’en est pas moins intéressant pour autant. Le dernier quart d’heure parvient à surprendre par son ambition par exemple, particulièrement jouissive si on apprécie le gore et les fusillades déglinguées. Mais il faut aussi mentionner la musique de Brian May (pas celui de Queen, celui de Mad Max ; nous sommes toujours en Australie) qui parvient à sauver les meubles et enrober une image plutôt fauchée dans une esthétique poisseuse et pernicieuse à grands coups de synthés et percussions vénères. De par sa présence, mais aussi par celle des territoires australiens qui sont le dénominateur commun entre tous ces films de l’ozploitation, il s’inscrit dans une période du cinéma australien qui n’a de cesse de se confronter à la violence. Celle de son environnement bien sûr, mais aussi et surtout celle de son histoire ; bon, c’est toujours plus clair en matant des trucs comme Walkabout ou Wake in Fright, mais l’idée reste la même. D’ailleurs il est amusant de noter que le projet a débuté aux Etats-Unis, avant de finir de l’autre côté de l’Océan Pacifique pour des raisons budgétaires : l’idée de cinéma d’exploitation est alors même géographique. On délocalise la production ailleurs à moindre coût, en espérant non pas faire un bon film, mais se faire un peu de thunes ; c’est tout ce qui semble importer.
Mais surtout, il convient de replacer le film dans sa post-réception critique. En effet, Les Traqués de l’an 2000 et son réalisateur sont cités par Tarantino parmi ses grandes influences. On comprend la passion pour une certaine violence, une volonté d’aller le plus loin possible dans le mauvais goût et susciter des réactions fortes sans avoir peur de faire preuve de sadisme. On comprend également un intérêt pour une cruauté envers des personnages féminins qui naviguent entre l’objectification constante et l’émancipation (relative) sous forme de catharsis face à des menaces extrêmement grossières. Et puis quelques séquences, sans être subtiles, restent largement efficaces en terme de mise en scène des aristocrates qui nous regardent de haut depuis leurs royaumes immaculés : on voit ainsi au début du film les méchants jouer aux échecs avec des statues d’art aborigène, rappelant ainsi leur capacité à tout s’approprier et tout détruire pour leur simple plaisir. On aurait besoin de films comme ça aujourd’hui, qui appellent frontalement à l’insurrection… Mais des films quand même un peu moins nanardesques.
L’édition qui sort cette année chez Rimini éditions comporte de nombreux bonus qui méritent à eux seuls l’achat en vérité : un documentaire de 26 minutes sur le cinéma d’exploitation australien, un entretien avec le réalisateur et un documentaire sur le tournage compliqué du film.
Les Traqués de l’an 2000, un film d’ozploitation sorti en 1982