Il faut une certaine témérité pour convoquer au début de son film le grand Pier Paolo Pasolini. C’est pourtant par une de ses citations que Mario Martone ouvre son film, Nostalgia, présenté en compétition en sélection officielle : « La connaissance est dans la nostalgie; Qui ne s’est pas perdu ne possède pas «
Cette nostalgie, c’est celle qu’éprouve Felice de retour sur ses terres natales napolitaines. Il a en effet dû s’exiler très jeune en Egypte où il a construit sa vie pendant quarante ans. Les raisons de son départ seront progressivement expliquées dans le film, mais elles sont liées à Oreste son grand ami d’enfance, devenu un puissant et redouté chef mafieux de la Camorra. Les premiers plans du film nous montrent Felice, incarné par Pierfrancesco Favino l’acteur célébré notamment pour Le Traître, errer dans les lieux de son enfance dans une belle pénombre et on s’imagine que le film sera une belle ode d’amour à Naples.
Malheureusement, le film ne prolonge jamais cette balade nocturne et nous force à suivre son bien léger scénario. Toute la tension de Nostalgia réside dans la relation entre ces deux anciens meilleurs amis dont les retrouvailles semblent à la fois inévitables et dangereuses. Mais le film n’arrive jamais à faire vivre cette ancienne amitié. Une affreuse séquence essaye par un laborieux montage parallèle de montrer les rues de Naples vécues par les deux jeunes hommes, alors que le Felice les parcourt à nouveau, quarante ans après. Tout cela est bien peu organique et semble ne servir qu’à annoncer la suite. L’ancienne amitié n’étant jamais palpable, que dire de leur nouvelle haine ? On a bien du mal à comprendre que le pire mafieux de Naples ait autant de difficulté à digérer des événements vieux de quatre décennies. Et pourtant le film s’enferme dans cet absurde scénario qui peine à susciter notre intérêt. Il aurait été bien plus intéressant de développer le sentiment d’exil et de nostalgie que ressent le personnage principal. Les quelques irruptions de sa vie égyptienne dans le film sont hélas introduites au forceps et n’apportent rien. Le sujet du film semblait pourtant être là.
Une fois que l’on comprend où veut aller le cinéaste, tout devient évident et convenu. Le face-à-face tant attendu entre les deux anciens amis accouche d’une souris. On attend péniblement que l’intrigue déroule, mécaniquement, ses jalons, tandis que les personnages secondaires font semblant d’exister. Et la fin, cousue de fil blanc, achève de nous convaincre que Nostalgia n’avait pas grand-chose à dire de la nostalgie, finalement.
Encore un film particulièrement décevant dans cette compétition cannoise. Après une belle ouverture, Nostalgia se perd rapidement dans son récit peu inspiré. C’était bien la peine de déranger Pasolini pour ça.