Harka : descente aux enfers en Tunisie

Le soleil tape dur sur Harka et sur la Tunisie. Le pays qui a réussi sa révolution provoquée par l’immolation d’un marchand de légumes Mohamed Bouazizi après une agression de la police, peine depuis à répondre à la crise sociale qui le mine. C’est dans ce contexte difficile, qu’Ali, le protagoniste principal du film, tente de survivre de petits boulots plus ou moins légaux sans jamais réussir à sortir de la spirale de misère qui le broie.

Lofty Nathan, réalisateur américain d’origine égyptienne, réalise ici son premier long-métrage de fiction. Ce n’est pas un hasard qu’en venant du documentaire, il tente de récréer les événements qui ont poussé Mohammed Bouazizi et tant d’autres à s’immoler, geste ultime de désespoir. Pour nous faire ressentir ce qui peut pousser un homme à de telles extrémités, le réalisateur nous plonge dans un tourbillon d’injustices et d’échecs. Décidé à quitter le pays pour un monde meilleur, Ali est contraint de rester pour protéger sa famille et de trouver de l’argent. Mais le chômage et la corruption ont raison de toutes ses tentatives et l’enfoncent progressivement dans la détresse la plus intense. Lofty Nathan réussit à capter cette chape de plomb qui condamne les individus. Sous le soleil aride, Ali bout de colère et d’impuissance. L’acteur, Adam Bessa, sec et dur, brille dans ce rôle d’homme brisé.

Mais le film souffre également de ce parti pris. En se focalisant sur la descente aux enfers d’un homme, Harka peine à sortir du carcan un peu convenu du film social typique de la sélection « Un certain regard ». On aurait aimé un peu de chair autour des autres personnages qui n’ont que des fonctions narratives. On aurait aimé que la Tunisie ne soit pas juste le théâtre de la corruption et du chômage. Les autoradios allumées expliquant le contexte social de la Tunisie sont un des exemples des grosses ficelles qu’utilise Harka pour surligner à gros traits le cadre qu’il impose à ses personnages. On pourrait même être gêné qu’un fait réel aux répercussions aussi importantes dans l’histoire de la Tunisie soit recréé de manière aussi simpliste pour réaliser un film qui se complait dans la retranscription de la misère sociale. Sentiment renforcé par la dernière scène qui choisit, à tort, d’esthétiser le désespoir.

Harka se veut être un film social coup de poing sur un pays qui souffre. Si la réalisation efficace et les acteurs convaincants parviennent à captiver, le film est bien trop caricatural dans sa structure jusqu’à nous interroger sur sa pertinence. Car, au final, Harka nous raconte bien peu la Tunisie.

Harka, un film de Lofty Nathan avec Adam Bessa

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