Fraîchement débarqué du festival South by Southwest (SXSW pour les intimes) qui se fait fort de découvrir des pépites plus ou moins indés à destination des hipsters cinéphiles, X est la dernière sortie en date de la célèbre maison A24 parmi leur line-up 2022 assez chargé.
X est écrit, réalisé, monté et produit (ce qu’on appelle le syndrome Xavier Dolan dans le milieu) par Ti West, un Américain de 41 ans qui avait déjà présenté son dernier long-métrage, In a Valley of Violence, au même festival mais de manière bien plus confidentielle. Fort du succès critique de ce dernier, X bénéficie, lui, d’une sortie en salles (du moins de mon côté de l’Atlantique, mes plus plates excuses) et c’est une excellente nouvelle, tant ce film fait honneur à son/ses genre.s.
Présenté et vendu comme un film d’horreur (à juste titre globalement, mais on y reviendra), X confronte une équipe de tournage d’un porno amateur à un couple inquiétant de fermiers du Texas profond qui a accepté de leur louer leur cabane au fond d’un champ, sans savoir à quoi elle leur servirait réellement.
Massacre à peu près n’importe quoi de phallique
Si le mot « Texas » vous a fait réagir, vous avez raison : le film puise allégrement dans les prémisses du cultissime Texas Chainsaw Massacre (Massacre à la tronçonneuse en VF).
Les jolies colonies de vacances…
Même coin abandonné de l’État américain, même choc de deux Amériques, l’une péri-urbaine, « aisée », et l’autre rurale et miséreuse, même contexte historique – 1974 pour le film de Tobe Hooper, 1979 pour X, on pourrait même imaginer que les personnages du dernier ont vu le premier – avec la crise du pétrole et la fin de la guerre du Vietnam. Ti West ne se cache pas de cette parenté et il a raison: mieux vaut un hommage assumé, s’il est bien fait, que de prendre les spectateurs pour des idiots.
Heureusement, X ne reste pas entièrement dans cette ressemblance à son aîné et nous propose un film de genre sauce 2022, frais, drôle et malin.
En quelques répliques bien senties, on comprend que les starlettes du X rêvant de gloire jouées par Brittany Snow (fans de Pitch Perfect comme moi, réjouissez-vous : elle chante dans le film) et Mia Goth (incroyable, comme toujours) se sentent plutôt à l’aise dans leurs choix de vie. Dans un autre style, la nouvelle scream queen Jenna Ortega cache bien son jeu en preneuse de son taiseuse et faussement effarouchée.
Représentant différents clichés de la masculinité dont le film ne se prive pas de moquer gentiment, on retrouve entre autres un cameraman obsédé par la Nouvelle Vague française et par l’idée de faire un « good dirty movie » (un « bon film sale ») – à l’image certainement de Ti West lui-même, un réalisateur/producteur clone de Matthew McConaughey et un acteur porno (Kid Cudi, on t’aime) engagé pour, euh, la proéminence de son membre.
Les ressorts très intimes de la peur
Tout ce beau monde va donc tourner un petit porno sobrement intitulé « The farmer’s daughters » (« Les filles du fermier ») pendant que des trucs bizarres commencent du côté de la maison des vieux propriétaires. West ne se prive pas d’user et d’abuser des parallèles possibles entre le porno et l’horreur, à coup de cris inidentifiables (est-ce de la jouissance ou de la peur ?) et même carrément d’écran divisé en deux pour superposer dans un même cadre le film porno et l’action principale.
————- STOOOOOOOP ne descendez pas plus bas si vous avez l’intention de voir le film ————
Quand on me dit que bientôt le masque ne sera plus obligatoire
Comme quasi toujours dans les *bons* films d’horreur, cette dernière ne réside pas simplement dans un ou plusieurs individus décidant subitement d’en trucider d’autres mais bien dans la raison de cette violence, ou du moins de quoi celle-ci est-elle le nom ou la métaphore. Ici, le pourquoi du comment participe grandement à la qualité du film, puisqu’il ne s’agit pas tant d’un choc entre deux sphères de la société étrangères l’une à l’autre et/ou de cannibales psychopathes, mais plutôt d’un couple qui ne supporte pas d’avoir vieilli et… de ne plus pouvoir coucher ensemble.
Autant dire que voir débarquer de jeunes gens bien faits de leurs personnes et décidés à profiter des plaisirs charnels de la vie sous leurs yeux est à peu près la pire chose qu’il pouvait leur arriver, bien qu’il sera difficile de nier que leur santé mentale avait déjà pris quelques coups auparavant. Des deux partenaires, il est à noter que c’est la femme qui en semble en souffrir le plus et qui entraîne son mari dans son désespoir meurtrier, en concentrant ses efforts sur Maxine, le personnage de Mia Goth. Le parallèle fictif et réel entre les deux femmes est renforcé par le fait que Mia Goth joue les deux rôles, autre surprise de ce slasher.
En exploitant à fond la tension classique entre Eros et Thanatos (l’amour et la mort, Freud, tout ça), Ti West se permet un commentaire sur le « déclassement sexuel » des personnes âgées qui ne sont plus considérées comme des êtres désirés et désirables, en parallèle du déclassement économique évoqué plus haut. Simple et efficace, X nous laisse satisfaits, mais comme Hollywood ne sait pas s’arrêter, un prequel centré sur la jeunesse de la vieille dame, Pearl, a déjà été tourné dans la foulée avec Mia Goth qui reprend le rôle.
X, un film de Ti West, avec Mia Goth, Brittany Snow, Kid Cudi, Jenna Ortega… 1h45. Sortie en France ???