Une femme du monde : putain de sa mère

Depuis qu’elle a volé la vedette aux stars de Dix pour cent et décroché un César pour Antoinette dans les Cévennes, autant dire qu’on attend avec une certaine impatience tout projet dans lequel figure Laure Calamy. Fin 2022, elle sera à l’affiche de L’Origine du Mal de Sébastien Marnier. Et cette année, en décembre, elle tient le premier rôle dans Une femme du monde, premier long métrage de la réalisatrice Cécile Ducrocq. Des retrouvailles pour les deux femmes, puisque la première a déjà joué pour l’autre en 2014 dans La Contre-allée, court métrage lui aussi césarisé. Ces deux films ont une thématique commune : Laure Calamy y incarne une femme prostituée dont la vie perd son équilibre.

Elle s’appelle Marie. Elle se prostitue depuis vingt ans. Quand son fils Adrien, dix-sept ans, met son avenir en péril, sa mère veut à tout prix s’assurer qu’il puisse faire la meilleure école possible. Un institut culinaire privé, aux frais d’inscription exorbitants, qui obligent Marie à multiplier les passes pour espérer réunir la somme requise… D’emblée, Cécile Ducrocq nous plonge dans son quotidien. Marie accueille chez elle l’un de ses clients, cherche à le mettre en confiance, lui demande ce qu’il souhaite faire… Elle prend pleinement possession de ce moment. Tout comme elle assume pleinement d’exercer ce métier : Marie n’a pas de pseudonyme, elle reçoit ses clients chez elle, son fils est au courant. Bref, elle est prostituée et fière.

La prostitution sera en toile de fond de toute l’intrigue, Cécile Ducrocq disséminant quelques séquences sur la situation des travailleur.se.s du sexe aujourd’hui. Manifestation pour la dépénalisation des clients, différences entre prostituées « indépendantes » et travailleuses étrangères exploitées par des macs, écart entre la France et l’Allemagne (l’intrigue jouant sur la frontière entre les deux pays)… Il est établi que la situation de Marie est de plus en plus précaire à cause de nombreux éléments. Contrainte d’aller travailler de l’autre côté de la frontière, où les maisons closes sont légales – et sous contrat, Marie est prête à tous les sacrifices pour le bien de son fils. Comme d’habitude, Laure Calamy impressionne, autant dans son rôle de mère que de femme.

Le film évoque un autre film présent à Deauville : Pleasure, en compétition officielle, sur l’industrie du cinéma pornographique. Marie est témoin du même fétichisme auquel font face les acteur.ice.s porno, en fonction de leur origine ou de leur couleur de peau. Miss Espagne est en vérité russe, et une jeune femme noire est bien évidemment Miss Afrique qui, comme chacun sait (et surtout Hubert Bonisseur de la Bath) est un pays. La sororité qui laisse parfois place à l’égoïsme est là aussi un point commun. Il est cependant dommage que le scénario se voit beaucoup plus programmatique dans son histoire de famille – les engueulades entre la mère et le fils trouvant une résolution bien trop rapide, quitte à se demander un peu pourquoi Laure Calamy se donne bien tant de mal…

Une femme du monde, par Cécile Ducrocq. En salles françaises le 8 décembre 2021. Présenté lors de la 47e édition du Festival de Deauville dans la catégorie « Fenêtre sur le cinéma français ».

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