La pièce rapportée. Ciel, mon mari est macroniste !

Il existe deux mots qui ont un effet immédiat sur le corps des cinéphiles français. Une fois prononcés en leur présence, on constate des frissons, des poils hérissés, des yeux révulsés et une envie soudaine de se cacher dans un coin de la pièce. Si vous ne me croyez pas, essayez. Approchez-vous d’un individu sortant d’une séance d’une rétrospective Wang Bing et susurrez-lui à l’oreille « comédie française ». Résultat garanti.

Dans le marasme de la production comique de notre pays, quelques réalisateurs sortent cependant du lot : Hazanavicus, Salvadori, Leclerc… et Peretjatko. C’est ce dernier qui revient avec La pièce rapportée tirée d’une nouvelle de Noëlle Renaude. Nous avions aimé son dernier long-métrage : La loi de la jungle et c’est donc plein d’espoir que nous nous sommes assis devant une comédie française avec Josiane Balasko.

Très rapidement, on retrouve avec bonheur le style unique d’Antonin Peretjatko. Les idées comiques fusent dans tous les sens. Du comique de situation à l’humour absurde en passant par le pastiche de genre. Comme à son habitude Peretjatko fait feu de tout bois et n’a pas peur de saturer l’écran d’éléments comiques. Son véritable talent est l’utilisation de l’arrière-plan pour instiller un effet d’absurde permanent même quand l’action filmée en premier plan va dans une autre direction. Une des idées formidables du film lors d’une scène de vaudeville dans un parc est de faire figurer de manière loufoque une sportive dans des positions improbables sans jamais y faire référence dans le récit. C’est cette inventivité et cette recherche permanente de la rupture comique qui portent le film. De l’ascenseur Pinochet au thème principal du film repris par les jeux téléphone de Philippe Katerine, toutes ces petites idées maintiennent notre attention en permanence éveillée pour ne rien rater de cette générosité du rire.

La pièce rapportée, Cinématraque

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Mais vous l’aurez compris, si je passe autant de temps à expliquer pourquoi l’arrière-plan du film m’a plu, c’est que le premier plan est finalement assez laborieux. On suit Ava (Anaïs Demoustier), jeune fille pauvre et pleine d’énergie qui séduit un jeune héritier (Philippe Katerine) mais qui s’ennuie ferme dans cette famille plombée par la figure de la mère (Josiane Balasko) et prend donc un amant (William Lebghil). Si Peretjako essaye de briser les codes poussiéreux du vaudeville, il n’arrive jamais à transcender cette intrigue poussive qui nuit au rythme du film pourtant court. Là où La loi de la jungle arrivait à nous capter dans une succession de péripéties qui donnait du carburant aux gags, l’intrigue de la La pièce rapportée est bien trop mollassonne. On appréciera le portrait dévastateur de cette classe bourgeoise complaisante avec le fascisme et célébrant le ruissellement macroniste. Le réalisateur récrée également un Paris scindé en deux par les inégalités. Mais si la caricature parfaitement incarnée par Josiane Balasko en pleine forme est réussie, elle ne débouche sur pas grand-chose, laissant un goût d’inachevé quand le générique défile.

Même un petit Peretjatko reste une comédie bien au-dessus de la moyenne de ce qui sort sur nos écrans. On espère simplement que le réalisateur va trouver un second souffle sur ses prochains projets pour ne pas tomber dans le piège d’un style qui tourne en rond, danger qui semble menacer la nouvelle-garde de l’humour français, comme l’a montré le très décevant Mandibules de Quentin Dupieux.

La pièce rapportée, d’Antonin Peretjatko avec Anaïs Demoustier, Philippe Katerine, Josiane Balasko et William Lebghil. Sortie en salles le 1er décembre 2021

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