2021 ressemble quand même pas mal à 2017. Il y a quatre ans sortaient, à quelques semaines d’intervalle, le jeu vidéo Resident Evil 7 et le film Resident Evil : Chapitre Final. L’aboutissement d’une saga cinématographique de presque quinze ans, portée par Milla Jovovich et Paul WS. Anderson. Quinze ans où les fans de la franchise de Capcom se sont purgé les yeux à la javel ou à l’acide chlorhydrique, tant les six films ont tout osé… Mais surtout dans le n’importe quoi. On avait les bases : Raccoon City, Umbrella Corporation, le virus-T, les zombies… Et des nouveaux personnages. Après ça, c’est parti en cacahuète. Un monde dévasté, devenu désertique, mais qui n’est plus désertique au film suivant… Des armées de clones justifiant le retour de personnages secondaires anecdotiques, l’apparition de héros des jeux et une disparition tout autant inexplicable : Anderson a tenu son délire avec une continuité des plus obscures.
La franchise vidéoludique a quant à elle connu un certain renouveau avec son septième opus. Abandonnant la vue à la troisième personne pour une expérience immersive, à la première personne, elle a voulu proposer aux joueurs un meilleur équilibre entre horreur et action. Pour ne pas perdre une propriété prolifique, un reboot cinématographique était déjà dans les tuyaux en 2017, en plus d’autres projets prévus du côté de Netflix (Infinite Darkness, une série animée déjà sortie et une autre en live-action en cours de production – où Lance Reddick incarnera l’antagoniste Albert Wesker). Exit Anderson, cantonné au rôle de producteur, et bonjour à Johannes Roberts, ce qui n’avait pas de quoi rassurer au vu de sa filmographie inégale (47 Meters Down, The Door, Strangers : Prey At Night…). Il a pourtant tenté de brosser tout le monde dans le sens du poil : son film se veut être bien plus respectueux du matériau initial…
Oui, Bienvenue à Raccoon City est bien plus proche de l’esprit des jeux que ses aînés. Le film nous plonge en septembre 1998 (année de sortie du jeu Resident Evil 2), la nuit où l’existence même de Raccoon City bascule, anéantie par le Virus-T et les expériences d’Umbrella Corporation. Rien de bien nouveau pour les connaisseurs, si ce n’est que cette fois, on suit bel et bien les héros de la franchise : Claire Redfield (Kaya Scodelario) retourne dans sa ville natale à la recherche de son frère Chris (Robbie Amell) pour le convaincre des manigances de la firme. Quand la ville se retrouve à feu et à sang, cernées par les zombies, Claire doit faire équipe avec Leon S. Kennedy (Avan Jogia), un bleu de la police locale totalement à l’ouest pour retrouver son frère. Ce dernier est en mission au Manoir Spencer avec ses collègues Jill Valentine (Hannah John-Kamen) et Albert Wesker (Tom Hopper), qui cache bien des secrets en lien avec Umbrella…
Johannes Roberts s’approprie à sa sauce l’intrigue des deux premiers jeux, qui se passent normalement à plusieurs mois d’intervalle. Ce qui n’est pas forcément un mal en soi, puisqu’ils ont une seule et même visée : dévoiler les expérimentations d’Umbrella Corporation et leurs dérives. Aussi parce que leur durée de vie, s’ils sont fait d’une traite, est assez réduite. Malgré quelques petits soucis de rythme (le film dure 1h47, et le dernier tiers est un peu trop rapide), le résultat est plutôt efficace. La plus grande réussite de ce reboot est certainement de redonner à Raccoon City les allures d’une petite ville au bord du gouffre, prise au piège par l’emprise et l’influence d’Umbrella. Si l’entreprise a officiellement quitté les parages, ses secrets restent enfouis… et ne demandent qu’à sortir de terre. On verra certes le bestiaire habituel de la franchise : des zombies, des chiens infectés, des Lickers (ces grosses bestioles immondes faites uniquement de chair) et autres mutations. Mais ce qui frappe le plus, c’est que le mal sera principalement incarné par les habitants de la ville, pas encore totalement infectés, qui se pressent au commissariat pour être aidés par un système qui les a pourtant abandonnés.
Cette atmosphère lugubre passe aussi plutôt bien à l’image : ce nouveau Resident Evil prend une direction totalement différente des films d’Anderson, bien plus orientés action… et de plus en plus dégueulasses de film en film. Non, on n’oubliera jamais le montage du Chapitre Final, qui est une réitération de la scène du grillage de Taken 3 sur 1h47. Tout le film se déroule de nuit, en intérieur ou sous-terre, et a donc une atmosphère bien plus angoissante. Telle était la volonté de Roberts : revenir à une horreur pure. On doit se l’avouer, il y a assez peu de surprises, mais malgré tout quelques belles idées qui s’immiscent au milieu de tout ça. Comme cette scène d’affrontement au Manoir Spencer, uniquement éclairée à la lumière des coups de feu de Chris ou de son briquet. Entouré de Maxime Alexandre, directeur photo attitré d’Alexandre Aja, et de Mark Korven, compositeur de Cube ou The Lighthouse, Roberts fait quand même le taf.
On avait aussi un peu peur du casting, qui fait cette fois place à des acteurs moins connus et/ou montants d’Hollywood et s’est attiré les foudres d’une partie des fans parce qu’ils ne ressemblent pas totalement aux personnages. Et pourtant, là aussi ça matche bien. Habitué aux rôles de beau gosse musclé, le personnage de Chris Redfield colle plutôt bien à Robbie Amell (sa place de soldat est d’ailleurs au cœur de l’intrigue). Moqué par ses collègues et un peu à côté de la plaque, le personnage de Leon S. Kennedy fera peut-être grincer quelques dents, mais Avan Jogia joue plutôt assez bien de l’image qu’on peut avoir de ce personnages à ses débuts. Leon, ça a toujours été le beau gosse un peu ténébreux et sûr de lui (bonjour Resident Evil 4) mais qui se faisait quand même un peu dessus à ses débuts à Raccoon City. Il est un peu trop dans l’ombre de Claire Redfield, qui domine très clairement le temps de présence du film. Malgré un temps de présence un peu déséquilibré, des suites devraient permettre de renverser la balance… d’autant plus que le film les installe déjà via des scènes post-générique (sinon c’est pas drôle).
La seule petite déception, c’est de voir un film un peu trop sage. Reste à savoir s’il s’agit uniquement de contraintes budgétaires (avec 40 millions de dollars, Bienvenue à Raccoon City a pourtant le même budget que le Chapitre Final d’Anderson) ou une volonté de Roberts d’être plus terre-à-terre. Le réalisateur réussit aussi à avoir le bon équilibre entre références et easter-eggs (les clés remises à Claire, les peluches…) sans pour autant basculer dans l’excès. Pourtant, dans l’esprit collectif, Resident Evil a forcément des moments un peu plus WTF, entre ses complexes sous-terrains dantesques, ses murs de laser, ses chorégraphies de combat à la Matrix et ses surprenantes ruptures de ton (coucou Ashley dans le 4e jeu). S’il est fait état des expériences d’Umbrella, il est difficile d’y croire ici en l’absence de scènes dans de gros labos qui tâche. Pour autant, on préfère largement voir ce Resident Evil plus vraisemblable que l’avalanche de n’importe quoi qu’ont été les précédents films, même s’ils restent de gros plaisirs coupables…
Resident Evil – Bienvenue à Raccoon City, de Johannes Roberts. Avec Kaya Scodelario, Robbie Amell, Hannah John-Kamen, Avan Jogia, Tom Hopper. Sortie en salles françaises le 24 novembre 2021.