The Yards : Métro, boulot, bobo

À la suite de son premier film Little Odessa, James Gray est un cinéaste prometteur et plein d’ambitions. Pour son deuxième long-métrage, il est produit par Harvey Weinstein et réunit une brochette de stars : Mark Wahlberg, Joaquin Phoenix, Charlize Theron, Faye Dunaway… Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

Malheureusement, The Yards est devenu à ses dépens l’un des symboles de la confrontation entre une vision d’auteur et un producteur hollywoodien (alors) tout-puissant. Weinstein n’aime pas la proposition de James Gray. Il la trouve mal éclairée et mal jouée. Bien trop loin des standards hollywoodiens de l’époque. Il demande également à ce que la fin, trop triste, soit réécrite. Le festival de Cannes, où le film reçoit un accueil très froid semble lui donner raison. Il décide alors de ne pas accompagner le film lors de sa distribution aux Etats-Unis. The Yards y fera un score catastrophique au box-office. La longue route compliquée de James Gray dans le cinéma américain commence.

Aujourd’hui The Yards bénéficie d’une aura bien plus favorable. Le long-métrage brosse le portrait de Leo Handler petit voyou tout juste sorti de prison, qui pour l’argent facile va se retrouver au cœur des affaires sombres d’une compagnie d’entretien du métro. James Gray a souvent expliqué s’être inspiré de Sur les Quais, le film d’Elia Kazan, en le transposant dans l’univers ferroviaire de New York. Un univers qu’il connaît bien, étant donné que son père a dirigé une boîte similaire à celles que l’on voit dans le film. Et c’est l’une des forces du film. L’ambiance des magouilles politiques et économiques locales est parfaitement retranscrite par la caméra de James Gray. Il ne s’agit pas de grands complots alambiqués, mais de petits pots-de-vin lâches et autres compromissions qui finissent par salir le système tout entier des politiciens aux hommes d’affaires en passant par la police. Tout ce beau monde est filmé comme des petits commerçants comptant leurs sous dans les arrière-boutiques, prêts à tout pour protéger leur réputation.

Le naufrage d’Erica

Au cœur de ce monde pourri, James Gray installe un triangle amoureux. C’est la partie la moins intéressante du film. On ne peut rien reprocher aux acteurs entre lesquels une étrange alchimie fonctionne. Mark Wahlberg est très convaincant dans son rôle de voyou timide et sentimental qui ne sait pas trop ce qu’il fait là et qui n’a de yeux que pour sa cousine pour laquelle il ne ressent pas qu’un amour familial. Malheureusement, la construction d’une rivalité autour du personnage d’Erica, jouée par Charlize Theron, fait de cette dernière un simple ressort narratif qui peine à exister hors de la joute que se mèneront les deux hommes. L’émotion est alors gommée par les ficelles un peu trop visibles du mélodrame qui emprisonne les personnages dans un canevas trop figé pour surprendre.

Plus de vingt-ans après, il est toujours intéressant de redécouvrir The Yards, qui ne mérite ni les huées de sa sortie, ni le statut de grande œuvre qu’on a tendance à lui prêter en forme de réhabilitation. James Gray retrouvera heureusement les chemins du cinéma avec son premier succès commercial La nuit nous appartient mais n’en aura pas fini avec les productions compliquées. Mais c’est une autre histoire…  

The Yards, un film de James Gray avec Mark Wahlberg, Joaquin Phoenix, Charlize Theron, disponible sur Ciné+

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2 thoughts on “The Yards : Métro, boulot, bobo

  1. D’une certaine manière, on peut considérer James Gray comme le plus grand auteur inaccompli du cinéma contemporain. Presque tous ses film pâtissent en effet, à des degrés divers, de faiblesses de scénario que j’attribue pour ma part à son ambition de faire des films « classiques » tout en ayant conscience que le classicisme est terminé, et qu’il a par ailleurs atteint des sommets que lui – James Gary -, privé des ressources du système classique des studios, n’atteindra jamais. Mais c’est aussi cette conscience-là qui donne sa plus belle patine à ses derniers films, en particulier Ad Astra dont c’est très exactement le sujet.

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