Mon légionnaire : C’est là le sort de la Légion…

Pour son deuxième long-métrage de fiction, Rachel Lang n’a pas choisi un biopic d’Edith Piaf, mais un film sur les soldats de la Légion étrangère. Enfin plus précisément, sur ces soldats et leur famille.

C’est l’histoire de deux couples que nous raconte en effet Mon Légionnaire. Tandis que les femmes tentent de construire leur vie en Corse où est basé le régiment, les maris vont et viennent au rythme de leurs opérations sur le territoire malien. Les deux couples ne sont pas au même moment de leur histoire. Nika (Ina Marija Bartaité) et Vlad (Aleksandr Kuznetsov), deux jeunes Ukrainiens vont seulement se marier et découvrir une nouvelle vie ensemble. Céline (Camille Cottin) et Maxime (Louis Garrel) ont déjà un peu plus d’expérience, un enfant, et connaissent les difficultés de cette vie qu’ils ont choisie.

La légion dans la peau

Car, en effet, ces couples sont en réalité des trouples. La Légion prend une place trop importante dans la vie des soldats pour être pensée comme un simple métier. Il s’agit d’une vocation, d’une raison de vivre pour ces hommes qui essayent tant bien que mal de concilier sacrifice pour la Patrie et vie de famille. Rachel Lang saisit parfaitement ces personnages tourmentés dans un film tout en nuances. A part une scène dans un restaurant, qui semble volontairement caricaturale, le film ne cherche pas à dénoncer ou à glorifier le rôle de l’armée. Le nœud se situe ailleurs. Il est dans ses silences entre des personnes qui sont censées s’aimer mais qui ne se connaissent plus. Peut-on construire une histoire avec une personne qui vit de son côté, dans le secret, les moments les plus intenses de sa vie ? Quelle place pour le partage, la complicité, la confiance, dans ces relations elliptiques, qui semblent se déconstruire à chaque mission à l’étranger. Comment les deux femmes peuvent-elles s’épanouir sans savoir si l’homme qui va revenir de l’horreur sera toujours le même que celui qu’elles ont épousé ? Toutes ces questions donnent au film une dimension intime, touchante et délicate. Ainsi la caméra de Rachel Lang ne cherche pas de réponse à tout prix. Elle filme plutôt les regards qui se cherchent sans se trouver, les corps qui semblent inhabités, les dialogues qui cachent le désarroi des personnages. Et elle en fait rejaillir toute la beauté des relations humaines dans leurs réussites et leurs échecs.

Le film manque peut-être un peu d’audace pour convaincre totalement. On comprend assez vite dans quel sens il se dirige, et on suit sans surprise, le fil déroulé par la réalisatrice également scénariste. Cela n’empêche heureusement pas l’émotion de s’installer. La sensibilité du regard de Rachel Lang porte ce film qui aurait pu, au vu de son sujet, s’effondrer sous le poids du mélodrame. Heureusement, il n’en est rien, et Rachel Lang s’inscrit dans la liste enthousiasmante des jeunes réalisatrices françaises à suivre.

Mon légionnaire, un film de Rachel Lang, avec Ina Marija Bartaité, Aleksandr Kuznetsov, Camille Cottin et Louis Garrel

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