Benedetta : Prophète à neuneu

Petit test pour savoir si vous allez aimer Benedetta de Paul Verhoeven : on vous propose d’assister à une adaptation des textes du professeur Choron, mise en scène par Stéphane Guillon et jouée par Jérémy Ferrari et Michaël Youn :

                A. Chouette alors ! On va bien rire.

                B. Hum… je passe.

                C. Vous vous saisissez de la première fourchette venue et dans un réflexe œdipien vous vous crevez les yeux pour être sûrs de ne jamais avoir à vous infliger cela.

Si vous avez répondu B ou C, il y a de fortes chances que Benedetta vous déplaise. En effet, Paul Verhoeven prend le parti de la grosse farce pour raconter à sa façon l’histoire de Sœur Benedetta, en s’inspirant, très librement je suppose, du livre de l’historienne Judith C. Brown Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne.

Si vous connaissez un peu le cinéma de Verhoeven, vous savez que la subtilité n’est pas son arme de prédilection. Dans Benedetta, il pousse tous les curseurs au maximum. Il y a environ une blague par minute et tous les dialogues finissent par un sous-entendu plus ou moins dissimulé. On sent que le réalisateur prend un malin plaisir à se moquer de toute la mythologie et de la représentation chrétienne. Ce festival de plaisanteries de mauvais goût pourra plaire aux adeptes de l’humour gras et subversif. On y retrouve en effet l’esprit de Hara-Kiri ou de Charlie Hebdo. Ce ricanement permanent et cette volonté de ne jamais rien prendre au sérieux, notamment ce qui est considéré comme sacré pour les autres. Les visions qu’à Benedetta sont ainsi l’occasion pour Verhoeven de représenter le prophète à la manière des Inconnus dans « Jésus 2, le retour ». Il y a toujours un certain plaisir à retrouver cet humour de bouffe-curé (même si on voit plutôt des scènes de bouffe-nonne). On peut aussi peut se féliciter que l’Eglise catholique soit à ce point affaiblie en France qu’un tel film puisse sortir sans polémique. Il n’en serait pas de même pour d’autres figures sacrées, et il fort à parier que dans d’autres pays où la religion catholique a plus de poids, Benedetta fera grincer plus de dents.

Mais au-delà de l’outrage à tout prix, qu’y a-t-il derrière Benedetta ? Pas grand-chose, hélas. Verhoeven passe tellement de temps à nous faire des clins d’œil pour nous souligner à quel point il est malin et filou qu’il en oublie de nous proposer un film. Si l’histoire de l’amour lesbien, de l’émancipation de cette sœur atypique, ou du contexte religieux et politique de l’époque vous intéresse, vous en serez pour vos frais. La relation entre Benedetta et Sœur Bartolomea n’est qu’un prétexte pour se vautrer dans l’humour graveleux à base de godemichet. On tourne vite à vide. On se contentera alors de regarder Charlotte Rampling, toujours aussi exceptionnelle, et de se désoler de cette intrigue qui ne mène nulle part en attendant que Verhoeven ait fini sa farce.

Touché par la grasse, Benedetta ne s’extrait donc jamais de son humour bas-du-front qui vous fatiguera très vite si vous n’êtes pas adepte du genre. Certains y trouveront néanmoins une comédie audacieuse et jusqu’au-boutiste du roi de la provocation. En tout cas, on est loin d’un grand film et sa présence au palmarès relèverait du miracle.

Benedetta de Paul Verhoeven, avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphné Patakia et Lambert Wilson en salles depuis le 9 juillet

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