Où est Anne Frank ! : Kitty et son Journal

Le point de départ du dernier long-métrage d’Ari Folman tient dans l’une des toutes dernières images du film, un carton explicatif. Le cinéaste israélien y explique que ses parents ont été déportés à Auschwitz la même semaine qu’Anne Frank l’a été dans celui de Bergen-Belsen où elle mourut au début de l’année 1945, quelques semaines avant l’Armistice. Se sentant comme lié au destin de la « plus célèbre enfant écrivain au monde » comme elle est qualifiée dans le film, Ari Folman s’est lancé dans un grand projet pédagogique autour du Journal d’Anne Frank, qui prend forme à la fois dans un roman graphique, co-signé avec David Polonsky, et un film d’animation, présenté hors compétition au cours de ce Festival de Cannes 2021.

Loin de simplement adapter le livre original, Ari Folman veut en proposer une réactualisation avec une ambition ouvertement pédagogique, destinée au jeune public. Le réalisateur de Valse avec Bachir et Le Congrès choisit donc de s’attacher à Kitty, l’amie imaginaire d’Anne à qui son journal est adressé. Un soir de plus dans l’Amsterdam de nos jours, Kitty prend soudain vie dans les murs de l’ancienne maison des Frank, devenu musée à renommée internationale. Tant qu’elle reste entre les murs de la maison, elle reste invisible aux yeux des visiteurs. Mais très vite, la jeune Kitty veut apprendre ce qui arrivé à Anne et choisit de partir en périple dans le monde actuel afin de découvrir la vérité, et plus encore.

Où est Anne Frank ! (la ponctuation a son importance, c’est moins une question qu’un cri envoyé au public) fonctionne donc sur cette double ligne temporelle entre la vie d’Anne au cours de la Seconde guerre mondiale et celle de Kitty, pourchassée pour s’être emparée dans sa quête de l’exemplaire original du Journal d’Anne Frank. Plus encore que l’histoire de la jeune fille, connue de tous, c’est son héritage contemporain que questionne le cinéaste. A une époque où la capitale hollandaise entière arbore des monuments au nom d’Anne Frank, son message est-il encore autant compris et repris que son image ?

Soucieux de s’adresser à tout le monde, y compris les très jeunes publics (il est prévu que le film fasse le tour des circuits institutionnels éducatifs), Ari Folman signe un film forcément schématique et pédagogique dans son approche, sans jamais rien renier de son ambition artistique. Traversé de visions d’enfer mais aussi de fulgurances formelles pour donner vie à l’imaginaire de la jeune Anne, le film constitué de presque 200.000 photogrammes dessinés à travers quinze pays continue de prouver à quel point l’animation peut être un moyen précieux pour retranscrire les traumatismes d’un passé si effroyable.

Si le message politique du film reste convenu par souci d’universalisme (les envolées expérimentales du Congrès sont loin), le parallèle avec les sociétés contemporaines reste un bon moyen d’appréhender l’héritage d’Anne Frank et de toutes les œuvres intimement liées à l’Holocauste. En critiquant les sociétés occidentales qui ont fait d’elle une marque et une attraction pour touristes en oubliant la valeur de ses combats et des idéaux pour lesquels elle a perdu la vie, Ari Folman remet l’église au centre du village en rappelant que la mémoire de l’Histoire n’est pas un objet lointain et immuable, mais un mouvement dynamique qui ne prend sens que dans l’écho qu’il rencontre dans le présent. Et ça, c’est un enseignement loin d’être inutile pour les jeunes générations actuelles.

https://youtu.be/htzlVFazClI

Où est Anne Frank ! d’Ari Folman avec les voix d’Emily Carey, Ruby Stokes, Sebastian Croft…, sortie en salles prévue le 24 novembre

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