Hans Hoffmann est un rescapé de Ravensbrück où il a été déporté pour homosexualité. Mais si le régime nazi est tombé, l’interdiction de l’homosexualité est toujours en vigueur en Allemagne de l’Ouest. Il est donc immédiatement envoyé en prison où on lui colle l’étiquette de pervers. C’est le parcours de Hans entre 1945 et 1968 que retrace Grosse Freiheit, film du réalisateur allemand Sebastian Meise présenté à Un Certain Regard. Le film, très intelligemment construit, fait des allers-retours entre trois passages de Hans dans la même prison à trois moments différents de sa vie. Il y retrouvera à chaque fois Viktor, camarade de cellule d’abord effrayé par la perversion de Hans, puis qui deviendra son compagnon indispensable.
Les passages habiles à travers les époques rythment la construction du personnage de Hans et surtout la transformation de sa relation avec Viktor. La qualité de l’interprétation Franz Rogowski qui se métamorphose physiquement tout en faisant évoluer son attitude de manière crédible est pour beaucoup dans la réussite du film. Un prix d’interprétation décerné par le jury de la sélection « Un Certain Regard » ne serait pas surprenant.
Les dates ne sont évidemment pas choisis au hasard par le réalisateur. 1968 marque la fin de la criminalisation de l’homosexualité en Allemagne de l’Ouest. Entre les camps et cette libération, Hans devra apprendre à vivre avec ses désirs criminels. Il ne peut pas éviter des passages réguliers en prison, et c’est pour cela qu’il finit par tisser ses relations dans cet espace censé le dissuader d’aimer. Dans ce lieu uniquement masculin, où les prisonniers sont obligés de s’entraider pour résister, l’amitié et l’amour se déploient. Sebastian Meise capte avec subtilité la naissance des sentiments, et la métamorphose de la prison punitive en refuge protecteur. C’est dans cet univers peu propice au romantisme que Hans va trouver ce qu’il cherche. Toutes les petites astuces sont bonnes pour créer du lien avec les autres, pour réussir à communiquer et à partager des moments intimes. La pire des punitions pour ces prisonniers est la cellule d’isolement. Enfermés seuls dans une pièce sans lumière, c’est là que la prison devient enfer. Car tant qu’il y aura des hommes, il y aura de l’espoir, et de l’amour.
La magnifique dernière séquence clôt parfaitement le parcours de Hans et rend cohérent toute la structure du film. Il fallait ces allers-retours pour comprendre ce qui le motive au plus profond de lui-même : le désir de vivre avec ceux qu’il aime, peu importe les sacrifices.
Grosse Freiheit de Sebastian Meise, avec Franz Rogowski et Georg Friedrich