La maison de la Mort : Home crappy home

Une pluie glaçante, un vent sinueux, des gens perdus dans une tempête qui se réfugient dans une maison lugubre… Non ce n’est pas le pitch du Rocky Horror Picture Show, mais bien celui de La maison de la mort de James Whale où le refuge n’est pas fait de musique et de culture queer mais de grincements, miroirs déformants et visages stigmatisés.

Une pluie glaçante, un vent sinueux, des gens perdus dans une tempête qui se réfugient dans une maison lugubre… Non ce n’est pas le pitch du Rocky Horror Picture Show, mais bien celui de La maison de la Mort de James Whale où l’abri n’est pas fait de musique et de culture queer mais de grincements, miroirs déformants et visages stigmatisés. Le célèbre réalisateur de Frankenstein n’est pas l’homme que d’un monstre et son film de maison hantée qui se resserre dans une intrigue le temps d’une nuit, est un petit bijou caché de sa filmographie qui a mis trop de temps avant de trouver son public tant en termes d’entrées qu’en termes de critiques. La réédition en DVD et Blu-Ray chez Carlotta de ce film trop méconnu permet enfin de lui rendre tous les honneurs qu’il mérite.  

La maison de la Mort est une œuvre avec un impact esthétique bien plus important sur le cinéma américain qu’elle n’en a l’air. Trois ans avant le Dracula de Tod Browning en 1935, La maison de la Mort pourrait apparaître comme l’un des premiers films gothiques américains, s’inscrivant dans le sillon creusé par le cinéma allemand muet avec Fritz Lang et Robert Wiene. Dans la maison chuintante, les ombres s’étendent plus largement, les lumières à la bougie découpent les figures et les miroirs tordus cabossent les traits, élargissent les corps. Les personnages habitant dans le lieu sont tous étranges avec des silhouettes trop maigres ou des dos bossus et ils vivent en décalage avec des mœurs désuètes, sans électricité, sans lit et s’obligeant à la prière avant chaque repas. Le montage parfois très saccadé accentue l’ambiance terrifiante et l’ambiance sonore morbide oscille entre des silences seulement comblés par le fouet permanent du vent et des instants où les personnages hurlent. L’une des hôtes de la maison, Rebecca Femm, est sourde et, dès lors, les autres s’égosillent pour lui adresser des mots qu’elle ne comprend pas ; un simple détail qui ne fait qu’exacerber le brouhaha du lieu et qui illustre des êtres qui ne peuvent même plus construire ensemble les plus banales des conversations.

            Adapté du roman anglais Benighted de J.B. Priestley publié en 1927, le film de James Whale reprend ainsi son commentaire sur les classes sociales anglaises. Les personnages n’arrivent pas à communiquer entre eux car ils ne vivent plus dans la même réalité : les habitants de la maison représentent une Angleterre pré-première guerre mondiale tandis que les visiteurs, plus jeunes, sont l’espoir déçu d’un nouveau monde. Cette maison représente la peur de la violence, la peur d’un nouvel effritement. Et c’est en cela que l’horreur du film est intéressante car plus qu’esthétique. Il n’y pas de monstres littéralement, il n’y a pas de magie. Tout repose sur une constante ambiguïté : la définition même du fantastique. Finalement, que le surnaturel soit véridique ou pas, le propos du film demeure le même : l’ancienne aristocratie désormais pourrie ne peut que s’écrouler sur ses propres fondations ; elle ne sait plus faire face à la nouvelle bourgeoise qui ne vaut pourtant pas forcément mieux. Le fils pyromane enfermé à double tour dans une pièce représente parfaitement cette cruauté venue tout droit d’anciennes classes supérieures, qui ont tout détruit mais ne l’assument pas et préfèrent dissimuler. Aussi, la menace qui plane dans la maison émerge de tout un répertoire de peurs sociales, morales et physiques. La première véritable frayeur de Margaret Waverton par exemple est celle de vieillir et devenir comme ceux qui l’accueillent. Les monstres, plus que jamais, sont les humains et leurs actes abominables sont ceux induits par des rancunes, des passions amoureuses frustrées mais aussi par la perversité des hommes qui sont une menace perpétuelle pour les femmes. Il n’y a alors plus qu’à espérer passer la nuit pour avancer vers la lumière du lendemain et laisser la crasse de l’humanité derrière, avant qu’elle ne rattrape la candeur nouvelle. Rassurez-vous, c’est aussi une comédie. Un peu. Au début.

La maison de la mort de James Whale, avec Boris Karloff, Charles Laughton et Gloria Stuart à découvrir en BLU-RAY et DVD chez Carlotta depuis le 27 janvier 2021.

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