L’Appel de la forêt : cou-couche panier

Il paraît que le chien serait le meilleur ami de l’homme (les propriétaires de chats ne s’empêcheront jamais d’en douter). Ce qui explique sûrement la pérennité du genre canin au cinéma et à la télévision, de l’immortelle série allemande Rex aux 101 Dalmatiens, ou encore les multiples déclinaisons de Belle et Sébastien (cocorico !).

Le premier film sortant officiellement sous l’égide de 20th Century Studios, feu Fox laid, se veut être un film de (w)ouf. L’Appel de la forêt, ou la réadaptation d’un classique de Jack London, aka le papa de Croc-Blanc, mais aussi de Buck, un immense chien enlevé des siens en Californie et parachuté au cœur du Yukon (tout près de l’Alaska) et de la ruée vers l’or, à la fin du XIXe siècle.

Aux manettes : Chris Sanders. Lui aussi est le papa de quelques icônes de l’animation, trois fois rien… Juste Lilo et Stitch chez la firme aux grandes oreilles dont on ne doit pas prononcer le nom, et Krokmou chez DreamWorks. Pour sa première réalisation en prises de vues réelles, Sanders se retrouve donc à signer la dixième adaptation d’un roman à l’écran, films et séries télévisées confondues. À l’affiche : Harrison Ford dans la peau de John Thornton, un explorateur en qui Buck gagnera confiance et Omar Sy qui, contrairement à ce que beaucoup pensent en voyant l’affiche du film, ne double pas du tout le chien. Niet, nada. Le chien, lui, est en images de synthèse. Et c’est à peu près là qu’est tout le problème.

En vérité, Harrison Ford tape la discute à un mec en combi de motion capture.

Who let the dog out? (who? who? who?)

Dire que le design de Buck faisait un peu peur lors de la sortie des premières images du film (un peu comme celui de Sonic, tiens), c’est presque un euphémisme. On s’attendait à ce que tout cela soit peaufiné d’ici la sortie, en se rassurant, et en se disant que ce n’était pas des effets définitifs. Malgré tout l’amour que l’on voudrait bien porter à Buck, son animation reste constamment dans un entre-deux. Tantôt trop cartoonesque, ses expressions rappelant plutôt celles d’un film d’animation, tantôt trop réalistes (ou du moins souhaitant l’être). Il y a beaucoup de plans dans lesquels l’insertion du chien en images de synthèse fait tâche et, pire encore, tous les autres chiens du film sont mieux modélisés et plus réalistes que lui.

Il est aussi inévitable de le rappeler : quoiqu’on en pense, il y a un avant et un après Le Roi Lion version Jon Favreau. Son photoréalisme, bien qu’enlevant une grande partie de l’émotion du film d’animation original (uniquement selon votre bien-aimé serviteur), était du moins une claque visuelle indéniable. Du coup, quand on passe après un tel succès planétaire, les choses se compliquent.

Si ce n’était que le seul problème, encore, ça passerait. Mais dans cette cinquième itération de L’Appel de la forêt, presque rien n’est vrai. Alors que le film et cette histoire nous invitent à (re)découvrir la nature, tous les paysages que nous traversons avec Buck sont, eux aussi, majoritairement incrustés via des fonds verts ou des décors de studios, neige artificielle et faux sapins inclus.

Omar quand Buck lui a dit qu’il jouerait dans Jurassic World 3

N’ayant donc aucune peur du ridicule, nos acteurs/personnages passent leur temps à parler dans le vide (ou à quelqu’un qui, parce qu’il avait lui aussi besoin d’argent, faisait le toutou en combi) à un chien, comme s’il comprenait exactement tout ce qu’on lui racontait. Et c’est ce qui rend l’intrigue du film et ses thèmes sirupeux à souhait. Omar Sy, livreur de courrier obsédé à l’idée d’arriver en retard (pas comme La Poste chez nous, donc), ne manque jamais de rappeler à Buck qu’on ne fait pas que livrer des lettres mais aussi des vies, de l’amour, le tout avec une caméra collant au plus près des visages émus à l’idée d’ouvrir leur courrier (bon ok, quand on réussit enfin à déposer un Colissimo après trente minutes d’attente, on fond en larmes). Et évidemment, tout le monde a fait « chien LV2 » à l’école, surtout Harrison Ford qui, à un moment donné, tape la bidoche de Buck en lui disant « ouais, t’as raison » après… un simple aboiement. Ok.

En scindant son récit en deux grandes parties, L’Appel de la forêt ne parvient pas à éviter les longueurs. Ford n’est presque que simple figurant pendant toute la première moitié, laissant la vedette à Omar Sy et Cara Gee dans leurs traversées postales. Ensuite, Ford et le chien partent pour leur propre aventure… Mais quel est leur objectif, finalement ? Découvrir l’inconnu, et après ? Pour Buck, le dilemme s’impose : quelle est sa place ? Doit-il rester à la nature ou retourner à la civilisation ? S’il ne dure qu’une heure et quarante minutes, le film donne parfois l’impression de s’étaler sur plus de deux heures, tant il patine dans la redite et l’attendu.

Y compris dans sa narration, L’Appel de la forêt ne fait pas dans la subtilité : la voix-off d’Harrison Ford (ou Richard Darbois en version française) souligne constamment ce qui se passe à l’écran et rend l’introduction ainsi que l’épilogue bien trop ampoulés. Pas grand chose ne va, y compris la photo de Janusz Kamiński, pourtant le chef opérateur attitré de Spielberg, qui fait pâle figure à peine quelques années après celle du BGG. Ou comme Dan Stevens, méchant de pacotille, ridicule dès sa première apparition. Bref : à la niche !

L’Appel de la forêt de Chris Sanders, avec Harrison Ford, Omar Sy, Dan Stevens, Karen Gillan, Cara Gee et un mec en combi qui joue un chien. Sortie française le 19 février 2020.

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