Salut les losers pas à Cannes. J’espère que vous allez bien, et que vous vous éclatez devant Game of Thrones et Avengers. Perso, je suis pépouze sur la terrasse presse de la Croisette, il fait environ -14° et les nuages au-dessus de ma tête me chantent du Claude François en attendant de se mettre à pleuvoir pour faire court-circuiter tous mes savants branchements de batteries diverses. Je vois des films, parfois roumains, parfois de 3 heures, et je vais à plein de soirées sur des balcons que d’aucuns appellent rooftops pour siroter du champagne gratos avec des gens qui pensent que je suis un célèbre producteur et viennent me parler avec des grands sourires, avant de voir que j’ai un badge presse tout pété, et de prétexter qu’ils vont se chercher des petits-fours, qu’ils n’ont pas mangé ce soir, qu’ils reviendront ensuite. Cannes, quoi.
Ça fait trois jours que je me démerde pour ne pas avoir à écrire, en esquivant les copains de Cinématraque, mais ils me manquaient trop hier soir, alors j’ai été boire des bières sur une terrasse de la ville où les bières sont aussi chères que les serveurs mal-aimables. Et j’ai finalement dû promettre au 24e verre que oui, j’écrirais un truc.
Mais après la nuit de 5h12 que je viens de passer, au sortir d’un film de Bonello qui m’a tiré fort sur les paupières, je ne vous garantis pas que ça va être passionnant. Juste qu’en sirotant mon café gratos du stand Nespresso, j’ai eu une idée : trouver le moyen de faire un article rassemblant les films que j’ai vus et les trucs qui font causer à Cannes. Ceci m’évitant d’avoir à taper trois chroniques. Cet article compte donc pour trois.
Cannes, donc. Qui ne parle que de Netflix dans ses files d’attente. Ce qui est un peu l’équivalent d’un restau gastro où les clients ne causeraient que de McDo. Ça n’a absolument aucun sens. Moi, ce qu’a dit Edouard Baer, j’ai compris pourquoi c’était pas con ce matin. Sûrement parce que je suis un peu dans l’état d’Edouard Baer, après deux toutes petites nuits. On se comprend mieux.
L’Atlantique se mérite
J’ai compris ce qu’il a dit en repensant à Atlantique, le premier film de Mati Diop, qui concourt en compétition officielle. L’histoire d’une embarcation de migrants prenant la mer et n’en revenant pas, d’un grand amour perdu dans l’Atlantique.
Pendant une heure, c’est franchement chiant. Il ne se passe pas grand chose, on baille, on regarde sa montre comme des idiots, sans comprendre qu’en fait, quelque chose de l’ordre du magique se prépare. La seconde moitié du film, elle se mérite, mais bordel elle est belle. Il faut combattre l’ennui pour choper la récompense.
Et je me dis que si j’avais vu le film sur Netflix, je n’aurais pas cherché à combattre l’ennui, j’aurais zappé pour un épisode de How I met your Mother, comme un gros débile.
Dans la grande salle du Théâtre Lumière, je me débrouille toujours pour me retrouver en milieu de rang. Une sorte de rituel, pour que le moi d’avant-séance dise au moi de pendant-séance s’ennuyant qu’il ne peut pas sortir de la salle, qu’il va devoir faire confiance à l’écran, aux réalisateurs, aux sélectionneurs. C’est sûrement pour ça que Cannes est un si beau Festival en fait, parce qu’il n’y a pas beaucoup de place pour les jambes, et que de fait on ne peut pas s’enfuir des salles quand on est bien placé.
Alors Bonello dans son chelou Zombi child prend son temps, et son film infuse doucement sans que l’on ne puisse zapper, regarder ses mails, ses tweets, commander de la bouffe. Le film infuse, prenant son temps comme les cérémonies vaudoues haïtiennes qu’il met en scène. Pour se terminer sur des scènes chocs, brutales, cassant le rythme.
Des cassures de rythme, des films sinusoïdaux, des montagnes russes, voilà ce que nous permet la salle de cinéma, à Cannes comme ailleurs. Loin des confortables algorithmes et du prêt à consommer.
Je viens de rentrer dans la salle de presse, quelques gouttes tombaient sur la terrasse. J’ai échappé à l’électrocution de pas grand-chose. J’ai loupé toutes les séances de 11h. J’aurais bien pu rentrer à Rocketman, mais bon, je n’ai pas su me motiver. De toute façon, me consolé-je, c’est le genre de films à finir sur Netflix.