First Love : Amour Punk

On avait quitté Takashi Miike lors du festival de Cannes 2017 avec la présentation de Blade of The Immortal en séance de minuit, qui est depuis inédit en salle, échouant sur l’incontournable et controversée plateforme de SVOD, Netflix. Si l’on connaît l’amour de Thierry Frémaux pour le cinéaste japonais, la difficulté de distribuer ses films en France rend une sélection officielle toujours délicate. La règle « anti netflix » voudrait qu’un film sélectionné, soit un film distribué en salle. On n’imaginait donc pas le retour de Miike en compétition depuis Shield Of Straw. Restait une nouvelle séance de minuit. Ce n’est pas l’option choisie. Faut-il voir dans sa sélection à la Quinzaine des réalisateurs une sorte de clin d’œil à Waintrop, fan de b movies ? First Love peut en tout cas offrir un joli pont entre deux rives, entre la série B décalée et l’expérience artsy que l’on pourrait facilement coller à l’équipée sauvage de la Roche sur Yon nouvellement en place sur la croisette.

Le cinéaste, toujours aussi hyperactif et éclectique, revient au polar après une excursion dans l’adaptation baroque de mangas de sabre ou de science-fiction. Il aborde la soixantaine avec plus de sobriété. First Love est présenté comme un policier crasseux, une histoire de film noir classique peuplé de paumés et de règlements de compte compliqués. Léo, un jeune boxeur à qui l’on vient de diagnostiquer une tumeur probablement fatale fait la rencontre d’une jeune junkie obligée de se prostituer. Il n’y avait aucune chance que ces deux-là se croisent, et c’est le hasard d’un règlement de compte entre Yakuza, flics et Triades qui va les pousser à s’associer. À l’instar de beaucoup de classiques du film noir, il est dans un premier temps difficile de savoir où l’on met les pieds. On est certes en terrain connu, celui des quartiers populaires japonais peuplés d’immigrés philippins et de déclassés si chers à Miike, mais on a tout de même du mal à comprendre ces histoires de trafics de drogues et l’implication de la mafia chinoise.

First Love Amour Punk

C’est là tout l’intérêt de nous avoir au départ fait connaître Léo et Monika, dont l’état psychologique permet au spectateur déboussolé d’épouser leur regard. Si le film joue sur la confusion, c’est qu’il met ses spectateurs à la place de ses deux jeunes héros. Leur état psychologique permet au cinéaste de justifier l’éclatement de la narration, d’user de simples effets de lumière pour y faire naître l’étrange ou l’horreur, tout en recourant à l’animation la plus débridée. Si Léo se croit en sursis et face à l’issue fatale se retrouve capable de se mettre en danger, Monika est sujette à de nombreuses hallucinations. À eux deux, ils composent un cocktail explosif qui donne forcément la tonalité punk inscrite dans les gènes de Miike.

Pour autant, First Love ne se limite pas à un pur film d’action déjanté, c’est aussi l’une des comédies les plus millimétrées de Takashi Miike. Et une nouvelle fois, le cinéaste va user de son art pour charger le crime organisé qui n’a jamais fait fantasmer le réalisateur. Un peu à l’image d’un film des frères Coen, Miike va méthodiquement compliquer les projets des différents ripoux et voyous qui composent son film. Tous à la recherche de Monika, qui pourrait être détentrice d’une cargaison de drogue, ils ont sans doute de grands projets, mais cumulent les déconvenues. L’un des voyous, Yakuza, se voyant comme un génie du crime se retrouve – sans les planifier – à exécuter quiconque se trouve sur son chemin, en faisant quelques victimes collatérales et loupant dans son grand malheur la proxénète très coriace qui détenait Monika.

Tout ce beau monde va se retrouver dans un centre commercial où le jeu de massacre va faire de l’œil dans le gore à l’un des grands fans de Miike : Quentin Tarantino. Climax jouissif, mais qui ne saurait être une fin en soi. Miike ce grand romantique a en effet réservé une place de choix à ses héros, ainsi qu’à ses spectateurs.

First Love de Takashi Miike avec Masataka Kubota et Nao Ohmori

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