Le Dupieux nouveau est arrivé, et cette fois-ci, il a l’honneur de faire l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs. Le film raconte l’histoire de Georges, un homme obsédé par un blouson en daim et qui, après avoir récupéré une caméra numérique oh et puis pourquoi je vous raconte tout ça en vrai ? On ne va pas se raconter d’histoires, on sait très bien qu’il ne sert pas à grand-chose de vous conter le synopsis d’un film de Dupieux. Et si vous ne connaissez pas encore ce réalisateur dont les films rencontrent progressivement un public de plus en plus large, sachez qu’il est un de ces rares artisans de l’absurde. C’est tout ce qu’il y a à savoir sur l’intrigue, la surprise et l’euphorie, si peu fréquente, de ne jamais savoir ce qu’il va se passer le plan d’après, étant l’un des atouts principaux du Daim.
Film après film, et avec le soutien de quelques célébrités (Eric et Ramzy, Poelvoorde, et ici, Jean Dujardin), Quentin Dupieux, impose un style unique reposant principalement sur une idée de départ déjà loufoque qu’il pousse au bout de sa propre logique sans jamais revenir au réel. On pouvait craindre avec Au Poste (son plus gros succès) que cette formule s’essouffle. Passé les rires habituels, le film tournait rapidement à vide et nous laissait avec un goût d’inachevé dans la bouche.
Heureusement, Le Daim nous prouve que Quentin Dupieux a encore des tours dans son sac. L’humour fait toujours mouche dès les premières minutes du film. Les situations parfaitement ciselées permettent à Dujardin, dans un rôle aussi bien taillé que son blouson, de jouer ce qu’il joue de mieux : l’abruti. Mais en plus de rire de ce qui se passe à l’écran, on éprouve une sorte d’étrange affection et fascination pour ce personnage monomaniaque. Comme le personnage d’Adèle Haenel, on sait que quelque chose cloche, mais on a envie de suivre cet improbable idiot. Chaque nouvelle pièce de son équipement 100% daim devient alors une petite victoire pour toute la salle, comme si, manette en main, on suivait la progression de son personnage dans un Métroidvania.
Évidemment, Quentin Dupieux joue, dans la seconde partie du film, de la bienveillance qu’il a créé autour de son personnage. En en faisant un cinéaste improvisé, il peut dédoubler son regard et réinterroger ses propres histoires. Car qu’est-ce qu’il faut de plus pour faire du cinéma, si on a une caméra ? Les morts grotesques que filme Georges, on les a déjà vues dans la filmographie du véritable réalisateur. «Je fais pas du vrai cinéma, moi ? » s’interroge, vexé et bravache, le héros, face au scepticisme qu’il rencontre. Difficile de ne pas y voir une apostrophe directe du réalisateur au spectateur. Après Le Daim, on lui répond sans problème : non seulement c’est du vrai cinéma, mais c’est du bon cinéma.
Le Daim, de Quentin Dupieux avec Jean Dujardin et Adèle Haenel. Quinzaine des réalisateurs, en salles le 19 juin.