En liberté, y a Vincent Elbaz !

Hormis Mandy (Panos Cosmatos, 2018), la sélection de la Quinzaine a laissé peu de place aux rires depuis le début du festival. Cet affront est réparé depuis ce matin avec la présentation d’En liberté !, le nouveau film de Pierre Salvadori. Comédie bien dosée, En liberté ! a offert un vent de fraîcheur sur une Quinzaine qui enchaînait les sujets plus lourds, plus sérieux : guerre(s), narcotrafic(s), ravage(s) du capitalisme, etc. Le public ne s’y est pas trompé en riant une bonne partie du film, un rire salvateur et libérateur pour de nombreuses spectatrices et de nombreux spectateurs !

En liberté ! s’ouvre de manière rythmée et annonce l’œuvre à venir : colorée, drôle et cadencée. Ce générique d’ouverture au rythme de la très belle composition de Camille Bazbaz fait écho à la fulgurance des années 60-70, blaxploitation comprise, quand ces effets de ralenti évoquent davantage une autre séquence d’ouverture admirable : celle de Zombieland (Ruben Fleischer, 2009). De cette explosion musicale et visuelle se pare la voix envoûtante d’Adèle Haenel. Ce générique d’ouverture, parfaitement anodin augure la suite des événements et accompagne tout le récit auquel il s’adapte : suite aux révélations des personnages, à la psychologie mouvante d’Yvonne (Adèle Haenel) ou encore au regard enfantin qui se dérobe inévitablement.

Chacun-e à sa manière expérimente une mélancolie et une aspiration à des jours meilleurs

Cependant, cette séquence d’ouverture faisant office de générique n’est pas la seule réussite d’En liberté !. Nous l’avions déjà esquissée avec Adèle Haenel, mais le reste de la distribution est tout aussi inspirée de Pio Marmaï à Damien Bonnard en passant par Audrey Tautou. Tiens, y a Vincent Elbaz ! Chacun-e apporte sa pierre à l’édifice dans des registres différents : Yvonne qui veut prendre une revanche sur sa vie, Antoine (Pio Marmaï) qui aspire à de la clémence suite à l’injustice dont il a fait preuve, Louis (Damien Bonnard) qui compte rattraper le temps perdu et enfin Agnès (Audrey Tautou) qui n’aspire qu’à tisser des liens avec son passé disparu. Chacun-e à sa manière expérimente une mélancolie et une aspiration à des jours meilleurs, ce sont des personnes malheureuses qui veulent aussi leur part du bonheur. Un bonheur qu’iels comptent partager autant avec sa famille (Yvonne et son fils) qu’avec son flirt ou son compagnon/sa compagne.

Pourtant, rien n’est facile, rien n’est donné, les obstacles sont fréquents et ces êtres sont complètement meurtris et rendus fous et folles par la société actuelle. La plus belle critique d’En liberté ! est d’ailleurs celle concernant l’univers pénitencier. Innocent, Antoine est envoyé en prison suite à une arnaque à l’assurance dont il est victime, à son retour, sa compagne Agnès ne le reconnaît plus. Parti innocent, il est revenu coupable. Mais coupable de quoi ? D’être stigmatisé par une société qui accorde plus d’importance à une sentence qu’à des faits ? « Que serait la justice sans la chance du bonheur ? » questionne Albert Camus. Antoine serait tenté de ne répondre rien, lui n’y a pas le droit à sa sortie. C’est pourquoi il se permet. C’est pourquoi Yvonne, impuissante et désamorcée, le laisse faire. Comment pourrait-elle empêcher un homme, dont elle a brisé huit années, de vivre pire d’être libre ? Elle ne peut pas autant qu’elle ne le veut pas. La fameuse « double peine » : très peu pour elle. Toutefois, Antoine est lucide, il sent qu’il est aliéné autant qu’incapable de comprendre ce qu’il lui ait arrivé. Pour réparer l’affront, il tente par tous les moyens de se faire accuser, d’être enfin coupable. Il veut lui-même se faire justice : bourreau et victime !

Au final, on ressort avec une romcom assez convenue

Le film dans son entité fonctionne dans la dualité, dans l’opposition : Agnès et Antoine, Yvonne et Louis, l’enfant et la mère, le deuil et l’allégresse, et tant d’autres ; autant que de la répétition en deux temps. C’est de là qu’En liberté ! tire son humour autant dans les situations (cette sortie de prison doublée) que dans les dialogues (cette dérive nocturne vers la corniche). Malheureusement, le film s’essouffle et le rythme ralentit sur la deuxième partie. Au final, on ressort avec une romcom assez convenue autant scénaristiquement que dans sa mise en scène. On se retrouve avec le énième problème de la forme qui globalement dans En liberté ! reste plus proche du téléfilm que de Blake Edwards, Jacques Tati ou de Jonathan Demme que Pierre Salvadori n’hésite pas à évoquer comme influence notamment pour Dangereuse sous tous rapports (1986) et Veuve, mais pas trop (1988).

Un duo mixte où la femme a une place importante et active, une technique de qualité, des séquences bien construites, quelques répliques au cordeau et des situations ubuesques pour une mise en scène et un scénario qui n’arrivent pas à sublimer le tout : rageant !

 

En liberté ! de Pierre Salvadori, avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Vincent Elbaz, Damien Bonnard et Audrey Tautou. 1h47. Sortie prévue le 31 octobre 2018.

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