Avec Carmen y Lola, Arantxa Echevarría signe son premier long métrage. Un film sur la communauté gitane dans la banlieue de Madrid. Carmen (Rosy Rodriguez) vit dans cette communauté. Elle est destituée à reproduire ce schéma qui se répète de génération en génération : se marier et élever autant d’enfants que possible jusqu’au jour où elle rencontre Lola (Zaira Romero). Cette dernière, gitane également, rêve d’aller à l’université, fait des graffitis d’oiseaux et aime les filles. Carmen développe rapidement une complicité avec Lola et elles découvrent un monde qui, inévitablement, les conduit à être rejetées par leurs familles.
Pour son film, Arantxa Echevarría a recruté essentiellement des actrices et des acteurs au sein de la communauté gitane madrilène au cours d’un casting de six mois en raison du thème du film. Une situation difficile confirmée par la réalisatrice lors de la section de questions/réponses qui faisait suite à la projection. Malgré cet amateurisme supposé, Carmen y Lola bénéficie d’une distribution de qualité et d’une solide direction d’acteurs et d’actrices. C’est tant mieux, puisque le film repose en grande partie sur ce casting plus que sur le reste qui demeure symptomatique des premiers films : principalement un manque de rythme, une intrigue simpliste et une mise en scène sans saveur à de trop nombreux moments.
C’est dans cette critique et cette volonté émancipatrice que Carmen y Lola est une œuvre pertinente, efficace et pleine d’espoirs
Pourtant la thématique de Carmen y Lola est profondément intéressante par les sujets qu’elle embrase : communauté gitane, interrogation(s) des adolescent-e-s quant à leur(s) sexualité(s), patriarcat, etc. On se met alors à penser à Rafiki de Wanuri Kahiu (présenté en officiel) ou encore à La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (palme d’or en 2013). L’amour lesbien évidemment, mais surtout cette pression de la société pour l’exprimer et l’extérioriser. On se retrouve alors avec Lola qui squatte les cybercafés pour tchatcher en ligne avec des « amantes » potentielles et Carmen qui hésite vis-à-vis de son tout nouveau mari. Que dire aussi, de la pression parentale, davantage montrée chez les parents de Lola, que chez ceux de Carmen. Le résultat est prévisible et redondant : c’est un refus catégorique, il en va de l’honneur familial et de l’honneur au sein de la communauté toute entière. L’amour de l’autre vient après son amour propre sauf quand il s’agit des personnages féminins qui donnent à l’autre plus qu’à elles-mêmes. Avec le personnage de Lola et de Carmen, on assiste à une nouvelle génération, une génération de femmes qui ne veut pas se limiter à élever des enfants et à rester à la maison en attendant son mari. Un début de révolution dans une communauté fortement réactionnaire. C’est dans cette critique et cette volonté émancipatrice que Carmen y Lola est une œuvre pertinente, efficace et pleine d’espoirs.
Malheureusement, Arantxa Echevarría tombe dans des approximations qui coûtent sa qualité au film. Mettre en scène des romances adolescentes n’est jamais chose aisée, on en convient, ici, le résultat est plutôt réussi dans son ensemble. On regrettera un changement d’attitude de Carmen vis-à-vis de l’homosexualité : d’homophobie à curiosité à lesbienne, les étapes sont franchies de manière assez rapide et peu réaliste. C’est qui est fort dommage puisque le questionnement intérieur a lieu d’être dans pareilles circonstances. De même, certains passages auraient gagné à être raccourcis, c’est le cas par exemple lorsque la mère de Lola apprend que sa fille aime et désire les femmes. Une séquence émouvante, mais qui dure beaucoup trop longtemps dans sa redondance. Enfin, la fin du film montre une incapacité à trouver quand finir, quand terminer : une incapacité à choisir en somme. Il y a un départ vers un ailleurs, mais un ailleurs surligné encore et encore… regrettable alors que la suggestion aurait largement suffi !
Carmen y Lola d’Arantxa Echevarría, avec Zaira Romero, Rosy Rodriguez, Rafaela León, Moreno Borja et Carolina Yuste. 1h43. Prochainement en salles.