Lady Bird ou le poids lourd de la légèreté.

On imagine sans peine ce que la presse française pourra dire devant Lady Bird, le premier film de Greta Gerwig (et d’abord parce que les articles américains nous sont déjà parvenus…) : « le meilleur du cinéma indépendant américain », « la rencontre entre Woody Allen et la Nouvelle Vague par le prisme féminin », « le retour de Frances Ha »…

Et, au fond, on aurait aimé partager cet enthousiasme si le film avait été tout autre.

La première impression (qui n’est certes jamais la bonne, mais qui perdure durant tout le film) face à Lady Bird est que, devant ou derrière la caméra, Greta Gerwig ne filme jamais autre chose que la fiction d’elle-même. C’est le retour de ce personnage qu’elle décline depuis une dizaine d’années dans les films de Noah Baumbach, Woody Allen, Rebecca Miller, Whit Stillman ou même le clip de Spike Jonze pour Arcade Fire : jeune femme gentiment décalée à la joie communicative qui lui permet de surmonter autant les désagréments (toujours légers) du monde et sa mélancolie (elle-même très légère). Or, cette légèreté est cette fois portée par Saoirse Ronan, la Lady Bird éponyme, dans un exercice de mimétisme confondant, et pas moins agaçant, durant lequel en filigrane point l’image de Greta Gerwig : film du moi hypertrophié qui prend pour prétexte l’autofiction pour mieux accomplir un égotisme peu inspiré.

Mais il y a pire.

Si le film raconte l’histoire d’une jeune fille en butte avec son environnement social (la morne plaine de Sacramento) et familial (la classe moyenne en voie de déclassement), il ne le fait qu’avec une forme d’ironie, de second degré, qui ne révèle ni un ton original, ni une intelligence narrative véritable, mais une forme de mépris généralisé qui n’épargnera en dernière instance que les valeurs de la famille, et bien sûr ce personnage si « singulier » dans ce monde si « cruel » et si « uniforme ». On voit mal ce qui reste d’indépendant dans ce cinéma qui ne va pas sans rappeler les scories les plus caractéristiques des pires films de Noah Baumbach et de Todd Solondz.

Plus sérieusement, le film semble ne jamais filmer à la hauteur de ses personnages, mais se contente de les contempler avec une forme de distance, se refuse à livrer autre chose qu’une caricature de la « suburb » sans jamais prendre le temps de la filmer ou en s’efforçant de la recouvrir par des clins d’œil offerts au spectateur et par lequel la réalisatrice semble dire à la fois qu’elle est très cultivée et surtout bien loin des êtres qu’elle filme. Ainsi, il est ostensiblement montré qu’un personnage lit « L’Histoire populaire des États-Unis » de Howard Zinn et que le groupe de musique de ce même personnage se nomme L’enfance Nue, autant de manières de satisfaire la vanité du spectateur européen « cultivé » non moins que celle de la réalisatrice qui nous fait de l’œil sur le dos même de ses personnages.

Mais Greta Gerwig n’est vraiment pas Pialat et, alors que son sujet s’y prêtait, elle n’est même pas John Hugues (le film présente des analogies nombreuses avec Sixteen Candles sans avoir la générosité) ou Greg Araki (Lady Bird retrouve la question du désir d’ailleurs qui était au cœur du magnifique Mysterious Skin sans pourtant filmer l’épaisseur de l’ennui ou l’absence d’horizon de ces environnements pourtant si plats). Déployant un regard qui n’en est pas un, Lady Bird s’apparente à un vain exercice de style, une compilation de références sans intelligence, une surface polie, voire policée, en somme un cinéma sans estomac.

Lady Bird de Greta Gerwig, avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Lucas Hedges, Timothée Chalamet. Sortie le 28 février.

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