Mary et la Fleur de la Sorcière :

La jeune Mary Smith, rousse donc mal aimée et maladroite donc attachante, s’installe à la campagne chez sa tante. Une forêt à l’étrange brouillard et une fleur mystérieuse lui révélera un monde enchanteur et inquiétant : celui d’une académie de magie perchée dans les nuages…

Peu de films portent autant de poids sur les épaules que celui-là : Mary et la Fleur de la Sorcière a en effet la tâche bien difficile de faire oublier le Studio Ghibli tout en assurant son héritage au sein du Studio Ponoc.

Nous vous en parlions dans notre dossier sur le Carrefour d’Animation du Forum des Images, souvenez-vous : Ghibli, c’est terminé. Le studio n’a pas réussi à survivre au départ en « retraite » de Miyazaki, et ce malgré une dernière sortie d’excellente qualité, le mésestimé Souvenirs de Marnie. C’est alors que des membres du studio ont décidé de reformer une nouvelle entité sous l’impulsion du producteur Yoshiaki Nishimura : nous sommes en 2015, Ponoc est né. « Ponoć » est un terme serbo-croate qui signifie « minuit », c’est-à-dire le début d’un nouveau jour.

Métaphore de Ponoc fonçant vers son avenir, sans filet.

Début 2018, et voici que leur premier film arrive, réalisé par Yonebayashi. Aucune surprise : Souvenirs de Marnie, c’était lui. La continuité est donc définitivement marquée. Le pari est très difficile, et surtout à l’étranger : peu de films d’animation s’exportaient aussi bien que les films Ghibli, notamment grâce à la richesse thématique qu’ils proposent. Si je dis ça plus simplement : ce sont des œuvres qui plaisent aux enfants comme aux parents. Il fallait donc avec ce film rassurer un public de tout âge, tout en espérant pouvoir proposer de nouvelles choses.

C’est probablement la première qualité de Mary et la Fleur de la Sorcière : l’esprit Ghibli est toujours là. Dans l’animation, tout y est. C’est à la fois un mélange de calme poésie et d’envolées virtuoses qui fait du bien par où ça passe. Dans les visuels aussi, nous reconnaissons l’esprit du feu studio : cette petite enfant qui se découvre des pouvoirs de sorcière a des airs de Kiki, du fait de la présence du petit chat noir sur son balai volant. Sa deuxième qualité, c’est le métissage culturel qu’il retranscrit dans son art : l’histoire est librement inspirée d’un roman pour enfants de l’auteure britannique Mary Stewart. Cela veut dire que les motifs empruntés sont occidentaux, mais leur représentation est teintée de folklore japonais. Ce n’est pas la première fois bien sûr que le Japon s’inspire de la culture occidentale (et notamment médiévale) pour ses propres créations, mais le dosage y est ici particulièrement succulent. On notera même lors d’un aperçu de cours de vol à balai, une référence directe à Harry Potter, assez discrète pour être de bon goût. Enfin, la musique de Muramatsu est un vrai régal comme toujours ; très entraînante, douce et épique à la fois.

Black Panther (2018)

Malheureusement, le résultat final est relativement lisse, pour ne pas dire pauvre. On retrouve des thématiques chères au cinéma de Yonebayashi comme les mondes secrets et les mystères du passé… Mais il manque quelque chose. Nous ne sommes jamais assez inquiets face à la forêt ; jamais assez émerveillés par l’école de magie, jamais assez terrifiés par l’envers de ce monde faussement enchanté. En fait, le tout reste très enfantin : la légèreté du tout a tendance à désamorcer la richesse thématique et visuelle engagée par le film. Il est d’ailleurs probable que le public cible soit avant tout les enfants et si cela leur plaît, tant mieux. Si vous avez des enfants, emmenez-les voir ce film, et demandez-leur ce qu’ils et elles en ont pensé. Parce que même si ce film n’est clairement pas au niveau de nos espérances, il faut espérer qu’il fasse beaucoup d’entrées pour que le studio puisse continuer à produire et qui sait, proposer à nouveau des œuvres audacieuses.

À cet égard, les deux premières minutes du film, totalement folles en termes d’animation de couleurs et de suggestion, ont laissé entrevoir un autre monde : celui d’un studio Ponoc qui conjuguerait les folies d’un cinéma à la Mamoru Hosoda, avec les thématiques de Ghibli. L’espoir fait vivre.

Mary et la Fleur de la Sorcière, un film des Studios Ponoc, réalisé par Yonebayashi, au cinéma le 21 février

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