C’est l’histoire tragique de deux amants dont la déchirante passion ne peut surmonter ses obstacles : oui, vous avez vu cela un millier de fois, au moins. Et pourtant, vous n’avez probablement jamais vu un film comme Tanna.
Tanna, c’est une île du pacifique d’à peine 50km sur 20, où résident parmi les dernières tribus au monde. Confrontés au colonialisme et à la chrétienté depuis le 18ème siècle, certains ont choisis – c’est là que c’est beau, au fond – de ne pas s’y frotter de trop près, et de garder leur fonctionnement sociétal à eux.
C’est lors d’un reportage télévisé que Bentley Dean et Martin Butler ont rencontré les habitants de Yakel, et ont découvert leur culture, leurs histoires. L’une d’elle en particulier leur a tapé dans l’oeil. Enfin, dans l’oreille, puisque c’était un chant sacré qui narrait le sacrifice de deux amants qui s’aimaient trop pour se soumettre à un mariage arrangé.
Émus par cela, Dean et Butler ont proposé à la tribu de réaliser un film sur cette histoire ensemble ; les habitants de Yakel n’avaient jamais vu de cinéma de leur vie, et ils se sont retrouvés comédiens, à faire passer cette histoire sacrée (qui date de 1987) de la forme musicale à la forme visuelle. Tanna est donc un long-métrage où les comédiens ne sont même pas des amateurs, ce sont des innocents, des insouciants face à la technique, et simplement là pour raconter leur propre patrimoine.
Et si Tanna aurait pu tomber dans la représentation quasi documentaire et très externe, en adoptant le point de vue de l’homme blanc qui présente la culture tribale, il n’en est rien : ce qui fait la force du film, c’est sa force de frappe lyrique époustouflante.
Pour faire simple, si Tanna est parfois un peu mou et pas toujours surprenant… il a toujours de quoi nous surprendre. Nous montrer des choses que nous spectateur, n’avons jamais vu. Et le neuf, c’est là que s’installe la force, c’est là que l’image nous parle en sortant des lieux communs. Justement, l’un des lieux essentiels du film est un volcan en activité. Oui oui, un sacrebleu de cornedouille de volcan en activité sa mère. Qui crache du souffre et de la lave, ternit l’image et l’embellit par moments. La force du lieu dans la mise en scène de Dean et Butler dépasse tout naturalisme, on entre dans le merveilleux, dans le conte. Ce volcan, c’est l’espace du sacré, c’est là où le chant des habitants de Yakel se transforme en image. Et dès lors, le film dépasse ses auteurs techniques, ses maîtres, pour retomber entre les mains de la tribu. Tanna, c’est leur conte, et c’est un privilège de pouvoir le découvrir.
Comme ils l’ont dit aux réalisateurs après avoir visionné leur création ensemble, au beau milieu des ruines de leur village dévasté par le cyclone Pam : « nous savons que vous êtes venus ici avec votre équipement et un projet de film, mais nous tenons à vous informer que nous considérons ce film comme le notre« .
Tanna de Bentley Dean et Martin Butler avec Marie Wawa et Mungau Dain. Sortie le 16 novembre 2016. 1h44