Knock Knock, Eli Roth frappe chez Keanu Reeves

Quand Eli Roth frappe à la porte de Keanu Reeves, Knock Knock, le Néo de service abonné depuis Matrix aux rôles à la con dans des produits de seconde zone se retrouve dans ce qui s’apparente au thriller le plus détonant – avec un ou deux N, c’est selon – de l’année.

Une blonde et une brune, très élégamment mouillées par la pluie battante, viennent toquer chez Evan (Keanu Reeves, donc), bon père de famille hollywoodien, qui les laisse entrer, charmé quoique bon père de famille, donc semblant dénué de toute idée perverse. Refusant d’abord leurs avances, il finit par se laisser séduire et succomber à leur insistant rentre-dedans. C’est alors le début des emmerdes.

Eli Roth l’a promis à l’entame de la séance deauvillaise : il n’y aurait pas de sang dans ce film-ci. Une goutte, tout au plus. Pour autant de jumpscare. Pour la première fois de sa jeune carrière, il délaisse donc l’avalanche gore pour un synopsis de pervers marionnettiste à la Funny Game, auquel il appose son humour sarcastique et ses idées tordues. Ainsi, les tortures que va endurer son héros ne se concluront jamais dans un bain de sang, mais sur des numéros d’acteurs agonisant, tantôt de se voir infliger de la musique à donf dans les oreilles par le biais d’un casque au risque d’y perdre l’ouïe, tantôt de se voir confisquer un tube de Ventoline pendant une crise d’asthme. La panique du spectateur apparaît donc dans des expressions d’acteurs souffrant, et à ce jeu-là, Reeves est parfait, engendrant à la fois l’empathie – putain, ça pourrait nous arriver, même ce soir, tiens, s’il pleuvait dehors – et le rire – l’ex-Néo est ici un pur anti-héros, immense loser qui foire toutes ses tentatives pourtant a priori inspirées d’évasion.

Le rôle entier fait résonance avec sa carrière, d’ailleurs, d’ex-grande star désormais un tantinet moins fun (il campe dans le film un ex-DJ devenu architecte et passant ses journées chez lui seul à bosser), et chez qui le sexy, le glam et le cinéma, de fait, reviennent s’inviter. Aussi, Knock Knock doit être dégusté comme un véritable geste cinéphile de la part de son réalisateur qui semble littéralement avoir voulu frapper à la porte de la carrière en désuétude de Keanu Reeves pour la relancer par le biais d’un rôle de complet loser complètement inédit pour lui. En cela, le running gag de la coupe de cheveux – coiffé cheveux longs, gras, assez négligé, ne faisant plus attention à lui, tout le monde se fout de sa tronche – est assez parlant.

Le film prend après son exposition efficace – le numéro de drague façon comédie de boulevard avec le jeu des chaises musicales auxquels jouent ses protagonistes est assez savoureux – un rythme étonnamment assez plat. La demi-heure centrale du film s’avère en effet un ventre-mou, amas de bêtises des deux jolies demoiselles, capitalisant sur l’idée de départ et à la plus-value assez contestable (le film n’est pas franchement oppressant), mais se relance dans son dernier tiers et surtout dans son final des plus machiavéliques, où Eli Roth inflige à son héros la damnation 2.0 par le biais d’une jolie pirouette scénaristique dont lui seul a le secret (on se souvient du match de foot des gamins avec la tête du mort dans Hostel 2, de l’explication alcoolique de Cabin Fever ou encore de la morale très douteuse de The Green Inferno).

L’intérêt de ce produit assez mineur dans son fond (jamais on n’approche le côté malsain de Funny Games), donc, réside surtout dans l’envie qu’a Eli Roth de placer son spectateur dans la posture de son héros. D’abord charmé par les donzelles et l’atmosphère chaude du numéro de drague, il se retrouve bousculé par la tournure que prennent d’un coup les événements pour finir bizarrement assez questionné par le final relativement virtuose.

Et toujours cette leçon, implacable : quand on frappe chez toi, qu’il pleut, que t’es tout seul et filmé par une équipe technique : n’ouvre surtout pas, c’est un film.

Knock Knock, d’Eli Roth avec Keanu Reeves – Sortie le 23 septembre 2015

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