Transistor était l’un des jeux les plus attendus de l’année. Après l’imparfait mais prometteur Bastion, Super Giant Games affichait fièrement son nouvel opus, devenu, avant même sa sortie, un exemple de succès chez les développeurs indépendants. Pendant ledit développement, le studio, composé de quatre membres, s’était transformé en une équipe de vingt personnes, et tout laissait présager un jeu similaire au précédent, « en mieux », comme ils disent. Chronique d’une déception.
Le design de Transistor rejoue les mêmes notes que Bastion. Même point de vue, même narration et même narrateur, même importance accordée à la musique qui, de plus, est ici renforcée par le récit. Celui-ci s’articule autour de deux personnages. Red, chanteuse – qui sera contrôlée par le joueur – à qui l’on volé la voix, et ledit narrateur qui, lui, commentera incessamment l’action. L’écriture montre ses faiblesses très rapidement. La protagoniste, restant muette tout du long, étayée avec quelques textes accessoires, ne s’affirme jamais en tant que personnage. C’est un vide, que l’on a comblé de caractéristiques arbitraires, qui ne prennent aucune réelle place à l’intérieur du jeu, et que le joueur ne peut informer d’aucune façon. Au plus, elle ne sera qu’accessoire. Pour compenser, le narrateur jacasse sans arrêt. Incapable de laisser le joueur à lui-même un instant, le jeu utilise la voix off à tout moment, dans toutes les fonctions d’écritures possibles. En tant que personnage, le narrateur prend toutes les formes, sans disposer de la sienne propre.
En fin de parcours, le jeu s’essaie à la tragédie, mais Transistor ne mérite tout simplement pas son dénouement. L’ambition très consciente d’émouvoir, qui pouvait être efficace malgré sa superficialité, s’avère trop inopinée et tombe à plat.
Reconnaissons que le travail de Super Giant Games est appliqué. Le studio témoigne toutefois d’un certain manque de confiance et, du même coup, d’un manque de retenue. Tout est fait pour éblouir, et n’y parvient qu’en partie. L’attention portée aux détails, la palette de couleurs saturées, la musique, extrêmement lyrique, agacent par surdose. Et ne produisent, malgré tout, qu’un univers claustrophobe et trop guidé, en somme minuscule. Le problème se propage jusqu’aux systèmes du jeu qui, complexes d’emblée, se révèlent accomplir beaucoup moins qu’ils prétendent, tout s’y trouvant réduit à une série d’affrontements de plus en plus indistincts. Si un joueur investi peut bien prendre son temps à décortiquer et analyser tous les particularités des systèmes, il n’y gagnera, au final, que très peu.
Transistor est donc un deuxième opus difficile pour le studio. En rejouant sur les mêmes idées que Bastion, Super Giant Games s’ouvre à une comparaison désavantageuse. Bien sûr, tout y est plus poli, plus impressionnant, plus grandiose. Tout y est plus produit, aussi, et le jeu y perd, en se renfermant sur le petit monde ainsi construit, quand Bastion réussissait à s’affranchir de son médium. Il y avait là tout le potentiel d’une grande réussite : celui-ci est obscurci, noyé dans un trop-plein qui, au final, ne produit qu’un jeu quelconque.
Transistor, Super Giant Games, disponible sur PC.