Man of Tai Chi : un navet sauce chinoise

Le grand retour de Keanu Reeves – quelques semaines après la sortie de 47 Ronins – se poursuit. Devant la caméra bien sûr, mais aussi derrière : une première tentative qui restera, on l’espère, la seule.

Avec ce film, Keanu Reeves s’était pourtant fixé un objectif d’une humilité tout à fait sympathique : réaliser une petite série B de baston à l’ancienne, tournée en Chine, avec des comédiens chinois, sur une intrigue minimaliste s’inscrivant dans une longue tradition de films où le héros est amené à se battre pour atteindre son objectif ; ici, Tiger Chen sera ainsi amené à accepter des combats clandestins afin de rénover le temple de son vieux maître d’arts martiaux.

Le prétexte était donc trouvé, et totalement assumé, pour enchaîner, sans grand souci de cohérence, les scènes de corps-à-corps. Pour les chorégraphier, Keanu Reeves s’était adjugé les services de l’un des maîtres en la matière, qui l’avait d’ailleurs dirigé sur Matrix : Yuen-Woo Ping. Malheureusement, Man of Tai Chi nous rappelle que, quel que soit le talent des techniciens et autres artistes amenés à intervenir dans la création d’un film, c’est la mise en scène (c’est à dire la façon de découper et de filmer les séquences) qui a le dernier mot. Ici, elle dessert totalement les efforts pourtant non négligeables du chorégraphe pour renouveler, encore et encore, les magnifiques ballets auxquels il nous a habitués au cours de sa carrière (Il était une fois en Chine, Tai Chi Master, etc…). Caméra agitée, montage approximatif, utilisation inopportune des ralentis…. Tout est raté.

Et Keanu Reeves acteur dans tout ça? Tout aussi lamentable, il incarne le rôle de Donaka Mark, l’organisateur sadique et froid de ces combats clandestins dont la retransmission auprès de riches industriels friands de violence et de voyeurisme lui rapporte une petite fortune. Mâchoires serrées, oeil noir, voix caverneuse et visage lissé par la chirurgie esthétique, Reeves déroule une partition plate, qui finit même par tomber dans le franc ridicule lors de la scène finale : car il fallait bien qu’à un moment où un autre, Keanu Reeves se batte en personne contre le jeune challenger. Et, comme il arrive à peine à lever la jambe plus haut que la taille, il a encore fallu, en traficotant la réalisation, rendre crédible le fait qu’il prenne le dessus. Durant cette interminable scène, il répétera deux fois ce qui reste LA punchline du film : « You owe me a life ».

Je me permets de lui rétorquer : « You owe me a movie ».

Man of Tai Chi, Keanu Reeves, avec Keanu Reeves, Tiger Hu Chen, Simon Yam, Etats-Unis / Chine / Hong-Kong, 1h45.

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2 thoughts on “Man of Tai Chi : un navet sauce chinoise

  1. c’est un tres bon film (déguisé en serie B) avec une belle reflexion sur la vitesse ( internet la mondialisation,;..) comme force déshumanisant et la spiritualité comme porte de sortie. très intéressant et surtout dans la droit ligné de la carrière de Keanu qui a fait de cette idée le leitmotiv de ça cariière ( johnie Mnémonic,Speed,Matrix,…). bref un passage intéressant derrière la camera d’un acteur-auteur

    1. Je suis d’accord sur les pistes de réflexion, assez cohérentes avec sa carrière, c’est vrai. Mais je remets en cause la façon bâclée dont il recycle les poncifs du genre : le gentil chinois qui est employé de poste et qui baisse le regard face aux femmes, le grand méchant qui n’a vraiment aucun scrupule, le vieux maître dans son temple qui lâche quelques rares phrases en forme de dictons, la police qui arrive juste après la bataille… Il n’y a aucun problème à réutiliser les pistes du genre auquel il veut rendre hommage, le seul problème est qu’il le fait sans aucun second degré. Tout est pris de façon basique, littérale, terre-à-terre. On ne retrouve ainsi pas du tout le côté ludique qu’il y a dans les films de kung-fu, et qui est nécessaire, je trouve, pour nous embarquer aussi bien dans l’histoire que dans les combats eux-même.

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