Masters of sex, saison 1: sous le sexe, l’amour

Avis aux amateurs de culbutes télévisuelles : si le sexe est bien le sujet principal de la dernière production Showtime, Masters of sex, son traitement est volontairement déceptif. Jamais le sexe n’est filmé ici de manière racoleuse ou voyeuriste, ni même un tant soit peu érotisante. Ceux qui veulent s’en mettre plein les yeux passeront donc leur chemin et pourront aller se rassasier devant Games of thrones ou Spartacus.

 Car s’il est bien question de sexe ici, le sujet est surtout prétexte à la narration d’une aventure scientifique passionnante : celle de l’exploration des mécanismes de l’orgasme, de la déconstruction des idées préconçues sur la sexualité. C’est donc l’histoire de Bill Masters et Virginia Johnson, chercheurs passionnés aux relations complexes et ambiguës, qui n’hésitent pas à briser les tabous d’une société encore fortement contrainte par les carcans conservateurs de l’Amérique des années 1950s et 60s : ces carcans que décrivent Douglas Sirk ou, plus récemment, Todd Haynes, signes d’une Amérique réactionnaire où la place des femmes est encore au foyer, alors que se font jour les premiers balbutiements d’un renversement des conventions sociales.

Quand Mad Men laissait entrevoir les fissures de cette société à travers l’univers de la publicité, c’est par le prisme de l’hôpital, de son organisation sociale et de ses enjeux de pouvoir, que Masters of sex entend sonder cette époque. Mais la comparaison s’arrête au contexte ici décrit. Car, plus encore que Mad Men, Masters of sex parvient se hisser au-delà de la simple série vintage à tendance esthétisante grâce à la richesse de ses personnages et aux développements subtils de sa narration.

 En effet, si les personnages de la série peuvent être analysés au travers de leur rapport au sexe, clé de leur identité (l’époux volage, la femme frustrée, la prostituée, la femme libérée, l’homosexuel honteux), cette série de stéréotypes est très vite nuancée par une construction psychologique très fine, portée par l’interprétation impeccable de l’ensemble du casting. Bill Masters (Michael Sheen) et Virginia Johnson (merveilleuse Lizzy Caplan) se révèlent en cela passionnants, la froideur de l’un contrastant avec la générosité de l’autre, et la complexité de leur personnalité étant dévoilée par une intrigue plutôt crédible.

 Et progressivement, derrière l’apparente simplicité du récit (qui va d’ailleurs de pair avec une mise en scène douce et discrète), pointent l’émotion et l’humour. A l’image de cet épisode consacré aux hypothèses des époux Freud en matière d’orgasme féminin (le seul orgasme « valable » de la femme adulte serait l’orgasme vaginal, l’orgasme clitoridien étant celui de la femme immature). Il suffit d’un test pratiqué sur Jane qui, mesurant l’intensité respective des deux types d’orgasmes parvient à la conclusion suivante : « Mon clitoris a battu mon vagin ? C’est fou… », déconstruisant ainsi les assertions des célèbres psychanalystes. Et au-delà de ces digressions anecdotiques, les personnages se dotent d’un réel potentiel émotionnel, à mesure que l’on découvre le lien indissoluble entre le sexe et l’amour. L’épisode final, dont la sobriété est à l’image de cette très belle première saison, en livre la preuve irréfutable. Il n’y a pas d’amour sans sexe. Et de sexe sans amour. Ou peut-être tout cela est-il lié à une notion plus englobante, celle de l’intime. Mais c’est encore une autre histoire.

Masters of sex, saison 1. Série créée par Michelle Ashford. Avec Michael Sheen, Lizzy Caplan, Caitlin Fitzgerald. 2013, 12 X 50 minutes.

Masters of sex a été diffusé sur Showtime et sur OCS City entre le 11 octobre et le 15 décembre 2013, la sortie en DVD et Blu-ray a eu lieu le 13 mars 2014.

 

 

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2 thoughts on “Masters of sex, saison 1: sous le sexe, l’amour

  1. Merci Pauline! J’ai tout gobé cette première saison (en 3 nuits si si) après la lecture de ton article. Tes mots sont justes et j’attends désormais non sans impatience la prochaine saison.

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