Une comédie caricaturale et un peu banale, mais loin d’être bête sur le racisme, ses ressorts et même sa possibilité de dépassement.
La famille Verneuil n’a vraiment pas de bol, les trois recrues qu’elle collectionne à titre de gendres font d’elle une pub Benetton, ou encore la dernière version d’une blague bateau : un juif, un arabe et un chinois sont enfermés dans un Château de la Loire… Non, il s’agit de trois beaux-frères rassemblés pour passer Noël et se réjouir de la naissance du Christ chez leurs beaux-parents catholiques, version grenouilles de bénitier. Pour une fois utilisés à contre-courant de la caricature dans laquelle le raciste populaire les confine habituellement, le « noich » est drôle, le « feuj » est un looser qui vit aux crochets de sa femme dentiste, et le « rabza » est avocat…
Racistes et intolérants les uns envers les autres évidemment, ils sont loin d’être les modèles qui forceraient l’acceptation de l’étranger. C’est là-dessus que se joue le brin de drôlerie de ce film d’une platitude remarquable, dont le grand absent de la farce reste malheureusement l’humour. En effet, on navigue à vue sans qu’aucune surprise ni effet de décalé n’élève le propos au second degré. Tout est dit, souligné et surligné, le scénario est basique, voire pauvre. Le rire gras cède la place à quelque chose qui aurait pu être joyeux, et la blague enthousiaste du sketch surjoué sonne souvent faux.
Mais encore, on comprend mal ce qui a poussé les trois sœurs à se coltiner ces « ces faux français » qui revendiquent leur posture de fils d’immigrés. On pourrait presque croire à un choix militant concerté et/ou aveugle pour revendiquer la fraternité des peuples, ce qui tuerait le propos du film ; ou encore à un rejet de leur filiation franchouillarde, ce qui justifierait les parents récalcitrants dans leur difficulté à faire avec l’étranger et ses différences.
Et pourtant, malgré ces maladresses et ces lourdeurs de forme, le fond du propos est subtil dans sa façon de traiter de manière parfaitement « égalitaire » tous les types de refus, de peurs et de complexes de supériorité. Le racisme religieux du bon catho qui se prend pour le modèle de l’humanité et le racisme culturel nourri aux préjugés sur les coutumes de ceux qui ont le mauvais gout de ne pas vivre « comme nous », sont mis dos à dos avec une efficacité redoutable. Le racisme de classes assorti d’arrivisme de ceux qui prétendent incarner l’accomplissement social en France et le racisme de couleur fondé sur la peur indicible mais patente du mélange des genres, se dit sur la même gamme du mépris et du regard exclusif faussement compatissant. Pour couronner le tout, c’est le racisme politique qui est pointé avec férocité pour redire l’incapacité des États eux-mêmes à dissoudre de manière collective ce qui se joue au niveau individuel dans la ténacité des résidus nationalistes.
Le tout est traversé par la problématique de la victimisation comme justification récurrente et commune à tous; la tolérance est bien une valeur, mais elle persiste à être celle que l’on exige de celui qui est posé comme le coupable de l’adversité et le générateur de la haine… Faire des autres « les méchants » reste encore le moyen le plus courant (et le plus facile) de se poser comme « bon ». Nietzsche l’avait remarqué depuis longtemps, son message n’a pourtant pas convaincu les juifs, les palestiniens, les homos, les féministes ou les racailles de la zone à déployer un discours moins centré sur la dénonciation des autres, et renoncer à la jouissance de se poser en victime. Le point fort du film reste que le propos n’est pas statique, il évolue subrepticement avec pour fil directeur de ce scénario assez bidon une véritable remise en question de la problématique « de l’autre comme responsable de mes malheurs », récurrent et hautement révélateur de la vacuité de l’intolérance.
Qu’avons vous nous fait au Bon Dieu pour en arriver là ? Philippe de Chauveron sonne l’alarme encore une fois, et cela reste, en toutes circonstances, bienvenu. Il signe là un moment presque agréable même si convenu et prévisible, qui aurait pourtant mérité un véritable second degré visant à prendre en charge l’humour nécessaire à faire passer la pilule de la comédie aux blagues délavées.
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, Philippe de Chauveron, avec Christian Clavier, Chantal Lauby, Ary Abittan, France, 1h37.