Production franco-afghane, film fauché dans un cadre de fortune, dont on sort avec un mal de ventre sourd, qui diffuse jusqu’aux tréfonds de l’âme. La douleur vous monte à la gorge et vous laisse sans voix encore de longues minutes après que la lumière se soit rallumée comme inopinément sur l’obscurantisme dans lequel nous a plongé le drame de Wajma.
L’histoire de la fiancée afghane n’a rien de romantique. Subjuguée par le charme d’un beau parleur, le cauchemar de Wajma et de sa famille commence lorsqu’elle tombe enceinte du fiancé qui refuse de l’épouser. La situation est classique mais le scénario aussi simple qu’hyper réaliste, ne néglige en aucun cas la complexité de chacun des protagonistes face au drame. Le père dont la colère est déchainée, ne se résume pas à un tyran fanatique, pas davantage que la fiancée déchue ne se pose en victime innocente. La mère n’est pas réduite à être la complice passive de son époux en rage, et même la grand-mère manifeste sa résistance en silence.
Le séducteur pris à son propre piège, s’avère aussi lâche qu’il s’est montré amoureux. Il incarne parfaitement l’indifférence d’une société qui se referme sur ses propres contradictions, allant jusqu’à engloutir l’humanité de ceux qui en jouent le jeu comme à leur corps défendant.
Tous ont pour point commun d’être les proies d’un système qui les enferme et dépasse leur volonté de faire fi des valeurs rétrogrades de l’honneur et de la loi du sang. Mais les solutions sont limitées et elles se disent dans une douleur qui n’a d’égal que la dureté d’un quotidien où le climat, le contexte politique et les difficultés économiques s’acharnent sur ce qu’il pourrait rester de sensibilité face à l’absurde.
La beauté de ce film aussi minimaliste qu’exceptionnel se joue dans des décors accidentés qui parlent d’eux-mêmes. Sa force est celle d’un regard lucide et transperçant porté par une caméra qui montre le pire dans les moindres détails, sans jamais juger ces victimes d’une population que tout condamne déjà depuis trop longtemps.
Wajma, Barmak Akram, avec Wajma Bahar, Mustafa Abdulsatar, Hadji Gul, Afghanistan / France, 1h26.