L’entretien avec Christophe Honoré est celui qui informe le plus de la complexité liée à la création. Tout en rapportant le tissu de malentendus qui entoura la réception de ses films, il montre un cinéaste assez sûr de lui, qui ne cesse paradoxalement, en retour, d’être critique sur son travail. « De toute façon, je ne suis pas mon cinéaste préféré et c’est une chose que j’ai admise après 17 fois Cécile Cassard. ». C’est le drame d’Honoré : admettre ou prendre acte qu’il ne sera jamais un grand créateur. D’où cette parole ouverte, généreuse et comme en analyse : la disparité et l’aspect impur de son cinéma empêchent d’emblée l’étiquetage auteur, créant une béance que renforce un bon goût de tous les instants. Drapé dans ses projets successifs, épousant parfaitement leurs rouages distincts, il est devenu ce cinéaste du milieu, inoffensif, que les rencontres (Branco, Caucheteux) et la presse ont forgé comme auteur. Moins parce qu’il provient des Cahiers du cinéma, qu’il n’a été construit, enfanté par une partie d’elle, comme Mia Hansen-Løve (excepté de la part des Cahiers). Si lui-même s’imagine dans l’entre-deux d’un cinéma impur, les films, eux, restent tristement lisses, raisonnables.
La suite, les entretiens avec Mahamat-Saleh Haroun ou Rui Poças, confirme à quel point les interlocuteurs, principalement Nicolas Thévenin et Morgan Pokée, se montrent à l’écoute, sillonnant les pratiques et les méthodes, et parvenant à creuser l’horizon de chacun. Dans un entretien passionnant, la parole d’Haroun rayonne d’intelligence : « Mais pour moi, le territoire à explorer reste vraiment la France (…). S’il y a les territoires oubliés de la République, il y a aussi les habitants de ces territoires oubliés et je cherche une histoire pour explorer ces plis dans lesquels se nichent des petites particules occultées ».
João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra Da Mata constituent un duo étonnant. Pas seulement car ce dernier, directeur artistique, a été crédité à cinq reprises comme co-réalisateur. Mais surtout parce que chez eux, commandes de courts et projets radicalement différents s’agrègent, fusionnant en un tout homogène. À leur image. Une coopération rare et novatrice, qui fait écho à la démarche des critiques de Répliques, immergés dans la psyché des cinéastes et au cœur du processus artistique. Un travail d’équipiers, en somme.
Répliques, Revue d’entretiens autour du cinéma, n°2. (Christophe Honoré, Mahamat-Saleh Haroun, José Luis Guerin, João Pedro Rodrigues & João Rui Guerra Da Mata, Rui Poças). 16 euros.