La déferlante des biopics est-elle le signe d’un essoufflement de l’inspiration scénaristique ? Tous utilisent la même formule : réalisme et mise en avant des exploits mais surtout des faiblesses, des obsessions, bref de l’humanité des grands hommes.
Hollywood s’attaque à gros avec Hitchcock : le pari est risqué, mais le défi n’est tout simplement pas relevé puisque le biopic prend la tournure… d’une comédie romantique. Le film, adapté du livre Alfred Hitchcock and the Making of Psycho de Stephen Rebello, centré sur le tournage tumultueux du film le plus controversé de la carrière du cinéaste, ne cherche pas à capter l’essence de son objet, mais plutôt à le simplifier, à le vulgariser, et cela très grossièrement. On assiste à l’antithèse du cinéma hitchcockien : c’est lisse, plat, simple et léger. Alfred Hitchcock devient ainsi, sous les traits d’Anthony Hopkins, un gros bonhomme capricieux, pervers et boulimique.
Cependant, à ne considérer Hitchcock que sous l’angle de la comédie romantique, force est de constater qu’elle est plutôt réussie : le tournage de Psychose ne semble être qu’un cadre permettant de mettre en avant la vie amoureuse du réalisateur, pris entre son obsession pour les belles actrices hollywoodiennes et son amour pour sa femme. La femme d’Hitch, Alma Reville (Helen Mirren) sort de l’ombre pour devenir le point fort du film. Anthony Hopkins, tout gonflé de prothèses, est pourtant loin de faire le poids. Malgré cela, l’intérêt du film est tout au plus anecdotique, quand les anecdotes elles-mêmes ne sont pas de pures inventions. Autant de choix incompréhensibles qui donnent à douter sur la nature du projet, qui est loin de ressembler à un hommage, et loin de faire ressentir la passion envers le cinéaste.
Pourquoi, dès lors, avoir choisi comme sujet un monstre sacré du cinéma américain pour n’en faire que l’objet d’une comédie romantique inspirée ? Les grands personnages, avec l’aura mythique qui les entoure, paraissent être des sources d’inspiration et des sujets en or pour la créativité. Or, la reconstitution, mis à part quelques petites pépites comme I’m not there de Todd Haynes qui déploie sur l’écran le mythe Bob Dylan en kaléidoscope, tue l’art et entrave le rêve puisqu’elle détruit le mystère qui fascine chez les hommes de génie. Le genre n’évolue pas, il enchaîne les productions qui se ressemblent toutes et qui misent souvent sur la performance de l’acteur principal (avec le lot de clichés psychologisants que cela implique).
Malgré tout, le biopic fait bonne recette ; on continue d’y aller, au moins par curiosité. Hitchcock se révèle en cela instructif en ce qui concerne les coulisses de l’industrie hollywoodienne, qui ne croit pas au succès de Psychose et rejette le projet. Comme la mode des biopics, il nous rappelle qu’à Hollywood l’innovation n’est pas la priorité – et l’illustre en même temps.
Hitchcock, Sacha Gervasi, avec Anthony Hopkins, Helen Mirren, Scarlett Johansson, Etats-Unis, 1h38.