En arrivant à El Dorado, l’aventurier Cole Thornton retrouve un ancien ami, JP Harrah, qui est aujourd’hui le shérif de la ville. Engagé par un propriétaire terrien, Thornton renonce à sa mission quand Harrah lui apprend qu’elle a pour but de chasser les McDonald de leurs terres…
En 1959, Howard Hawks atteignait la quintessence de son art avec Rio Bravo, sorte de synthèse parfaite de son approche narrative et de ses thématiques. Intrigue archétypale réduite à sa plus simple expression permettant de mettre en valeur les personnages, célébration d’une unité et camaraderie masculine révolue, comédie romantique piquante, Rio Bravo était tout cela : un grand divertissement et un classique instantané.
On ne le savait pas encore, mais Rio Bravo était aussi le dernier chef-d’œuvre de son réalisateur, qui par la suite allait alterner honnête divertissement (Hatari, Ligne Rouge 7000) et variations sur le même thème avec notamment Le Sport favori de l’homme, où il reprend des éléments de ses plus fameuses screwball comedies (L’Impossible Monsieur Bébé, La Dame du vendredi) avec un casting rajeuni, dont Rock Hudson prenant le relais de Cary Grant. El Dorado appartient à cette dernière catégorie en offrant un remake à peine masqué de Rio Bravo. La différence se fera en grande partie par le contexte de production des deux films. A l’époque de Rio Bravo, Hawks signait son grand retour à Hollywood après un long exil en Europe, suite à l’échec de La Terre des Pharaons (1955). Malgré son expérience et ses succès, il se retrouve à nouveau dans la peau de celui qui a tout à prouver et ainsi rassemble tous les éléments qui firent les particularités de ses films dans une épure, une efficacité voire tout simplement une perfection inégalée. Rio Bravo n’était pas seulement un retour, mais un testament, rien de ce qui viendrait après ne pourrait s’y mesurer.
El Dorado est quant à lui signé par un Hawks en fin de carrière (c’est son avant-dernier film), enfin reconnu par la critique mais aussi dépassé par la jeune génération montante du Nouvel Hollywood. Rio Bravo constituait une preuve vivace et moderne de ses capacités, El Dorado jette plutôt un regard nostalgique et tendre sur les valeurs célébrées dans le film de 1959. Rio Bravo était la vision du monde selon Hawks, El Dorado celle d’un paradis perdu. Bien évidemment, El Dorado n’approche à aucun moment les hauteurs de son modèle et évoquerait plutôt un champion sportif sur le retour : moins véloce, quelques kilos en trop mais ayant toujours fière allure et capable de quelques éclats. Le noyau dur de la trame de Rio Bravo (shérif seul contre tous, riche propriétaire et son armée de tueurs) est ici repris, tout comme la caractérisation des personnages : John Wayne reste John Wayne, Robert Mitchum remplace Dean Martin en alcoolique repenti, James Caan, lui, Ricky Nelson en jeune premier fougueux, et Arthur Hunnicutt assure brillamment la caution comique autrefois tenue par Walter Brennan. Une nouvelle fois, l’union et la remise en question de tous ses personnages permettra de faire face à l’adversité, mais quelque chose a changé, les héros sont fatigués. Dean Martin était montré comme une épave, avant de se reprendre au fil de l’intrigue. Ici, c’est l’inverse avec un Robert Mitchum d’abord fringant puis alcoolique tout aussi pathétique mais provoquant plus l’hilarité que la pitié (la réaction à la décoction contre la gueule de bois, le fait qu’il mette la moitié du film à se souvenir de James Caan). John Wayne, au sommet de sa prestance au départ, termine le récit lourdement amoindri par une balle dans le dos et c’est à un dernier baroud d’estropiés qu’on assistera au final, avec un Mitchum en béquille et Wayne à moitié paralysé.
Par ce choix, Hawks semble estimer que l’ère des « vrais hommes », tel que dépeinte dans Rio Bravo, est révolue (et par extension la sienne aussi dans l’industrie Hollywoodienne) et que si leur vaillance et leur courage demeurent intacts, les ravages du temps ont fait leur œuvre, ce sont des dinosaures. A l’image de ses héros ayant perdu de leur superbe, tout semble un peu plus forcé également dans ce film, le scénario artificiellement étoffé par rapport à la trame de Rio Bravo (et qui en reprend des pans entiers, à l’identique, pour de nombreuses scènes), l’humour plus présent et plus lourd.
Ce sont pourtant ses nombreux défauts qui rendent El Dorado si attachant. Ses héros déclinants jettent une dernière fois leurs forces dans la bataille au nom de l’amitié passée et le film, certes maladroitement, nous rappelle une approche et un ton désormais révolus au moment de sa production. Cela n’empêchera pas l’ensemble d’être traversé de nombreuses fulgurances dignes du meilleur Hawks (excellente course poursuite nocturne, fusillade dans l’église abandonnée), même si l’on sait que c’est pour la dernière fois, et bien que le ton d’ensemble soit bon enfant et se garde bien de la solennité dont se draperont, sur des thèmes voisins, Il était une fois dans l’Ouest ou La Horde sauvage. Ici l’adieu se fait dans la bonne humeur, à la Hawks. Le presqu’adieu d’ailleurs, puisque l’ultime Rio Lobo (1970) offrira une nouvelle et dernière variation sur la question avec John Wayne et toujours Leigh Brackett au scénario.
El Dorado, Howard Hawks, avec John Wayne, Robert Mitchum, James Caan, Etats-Unis, 2h06.
On releve egalement, dans la tribu de chasseurs-cueilleurs des Sironos, des mots pour designer des plantes dont ils ne font aucun usage : le coton, le mais, des plantes tinctoriales, qui leur auraient ete legues par leurs ancetres agriculteurs.