Bonne Mère : Tout pour la daronne

Aux côtés des vaches, des flatulences et des cunnilingus, la ville de Marseille est l’autre grande invitée de marque sur la Croisette cet été. La cité phocéenne a déjà célébrée par Stillwater de Tom McCarthy, qui donna à Matt Damon l’occasion d’entonner son plus beau « Allez l’OM! » sur le tapis rouge (symbole d’un mercato du capitalisme footballistique devenu fou). Elle sera également au cœur de Bac Nord de Cédric Gimenez dans quelques jours pour alimenter le quota annuels de films sur le grand banditisme des quartiers nord de la ville. Mais entre temps, ces derniers sont aussi le théâtre de Bonne Mère, deuxième long-métrage d’une régionale de l’étape, Hafsia Herzi. Il y a deux ans, l’actrice révélée chez Abdellatif Kechiche avait fait grand bruit à la Semaine de la Critique avec Tu mérites un amour, très belle histoire modeste d’amour contrarié tournée avec l’énergie et la débrouille des premiers longs.

Ce tournage spontané n’était à l’époque pour la nouvelle réalisatrice qu’un galop d’essai pour ce Bonne Mère prévu au départ pour être son premier film. Derrière le clin d’œil à Notre-Dame-de-la-Garde, protectrice de la ville avec Saint-Victor, et sa célèbre basilique qui surplombe la ville, l’expression renvoie aussi à l’héroïne du film, Nora. Femme de ménage à l’aéroport et auxiliaire de vie d’une personne âgée, la matriarche veille sur toute sa famille qui loge sous le même toit. Toute la famille sauf un : son fils Ellyes, incarcéré depuis plusieurs mois et en attente de son procès. Pour payer ses lourds frais d’avocat, Nora et le reste de la famille vont devoir redoubler de sacrifices dans l’espoir qu’Ellyes puisse sortir rapidement de prison.

Derrière le poids du sujet social abordé, Bonne Mère repose avant tout sur son casting constitué en quasi-totalité d’acteurs non professionnels au premier rang desquels on retrouve Halima Benhamed, l’interprète de Nora. Véritable révélation, l’actrice dont c’est le tout premier rôle au cinéma porte son rôle avec une douceur et une humanité poignante, qui tranche avec l’atmosphère de joyeux bordel qui englobe le fil. Braillard et gouailleur, Bonne Mère est un joyeux barnum au fond très kechichien dans sa manière de libérer le verbe dans des logorrhées interminables, où chacun se parle dessus à l’opposé de tout forme de théâtralité. Dans cette famille où on ne prouve jamais autant qu’on s’aime que quand on s’engueule, Hafsia Herzi à trouver un équilibre délicat entre comédie et drame social, capable d’alterner entre dialogues très crus sur le sadomasochisme et têtes-à-têtes intimistes dans un parloir.

En auscultant la condition féminine de ces « tatas » des quartiers nord qui pensent à tout le monde avant de penser à elles, Hafsia Herzi signe un beau film fragile sur une famille de fortes têtes, dont la plus forte est sans aucun doute la moins expansive. Porté par la beauté d’une parole savamment indomptée et par la retenue simple d’un regard emphatique sans jamais être nié, Bonne Mère est un joli petit second film dont l’élégance discrète confirme le talent de Hafsia Herzi aussi bien derrière que devant la caméra.

Bonne Mère de Hafsia Herzi avec Halima Benhamed, Sabrina Benhamed, Jawed Hannachi Herzi…, en salles le 21 juillet

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