Plus c’est court, plus c’est bon [Le FFF 2018]

S’ils respectaient bien la charte du festival, les films qui nous ont le moins convaincu étaient souvent ceux qui cherchaient à travailler la matière plus que la chair. Précédé d’une petite aura underground, Why I Want to Fuck Djokhar Tsarnaev est probablement le film le plus pénible du programme. Un homme se retrouve cerné par des écrans diffusant toute sorte d’images de violence, dont celles de l’attentat terroriste à Boston, ainsi que la traque de Djokhar Tsarnaev, l’un des auteurs de l’attaque. Les images ont sur lui un effet euphorisant au point qu’il se mette à se masturber. Il y a dans le film de Geoffroy Dedenis une volonté de dénoncer cette profusion d’images qui nous entoure, qui nous terrorise autant qu’elles nous fascine. Mais il assène ces lieux communs avec la délicatesse d’un marteau piqueur. Si l’on sent bien l’influence de Cronenberg (Dead Zone, et surtout Videodrome) ou les clips de Chris Cunningham, le cinéaste n’arrive même pas à la cheville des provocations d’un Gaspar Noé.

Festival du film de Fesse 2018 Cinematraque

Plus arty encore, She Whose Blood Is Clotting in My Underwear de Vika Kirchenbauer se concentre sur les ébats de deux personnes. Pourquoi pas, mais on cherche encore l’intérêt de travailler la scène en négatif. C’est un peu vain, et oubliable. Dans le genre essai filmique, la proposition du trio Laure Giappiconi, Élisa Monteil et la Fille Reine semble à première vue plus modeste dans le propos, mais offre pourtant une réflexion sur le corps de la femme bien plus politique que ce que l’on a vu jusqu’à présent. Il est question de découpage et de manipulation des images également, et de la réappropriation du corps. Vivante est un segment d’une suite de courts métrages que les réalisatrices souhaitent très courts, mais qui, s’ils peuvent être pris séparément, s’inscrivent dans une œuvre plus dense. On attend de voir.

Festival du film de Fesses 2018

Dans ce programme assez expérimental on trouve enfin le plus modeste d’entre eux, Ressacs de Bony Ska, sorte de poème visuel où s’intercale le corps d’une jeune fille qui se masturbe et des images de plages estivales bondées de monde. C’est d’une certaine manière le miroir inversé de Why I Want to Fuck Djokhar Tsarnaev, de vous à nous : c’est peut-être léger, mais on préfère.

C’est très con, c’est fun, c’est MTV.

On ne va pas vous cacher, notre curiosité était surtout tournée vers les trois dessins animés qui se nichaient dans ce programme de courts métrages. Plein été de Josselin Facon est connu pour avoir fait le tour des festivals, et il a effectivement les épaules pour affronter un jury. En quelques minutes, on se retrouve devant la découverte durant l’été de la sexualité d’un ado à travers son regard œdipien sur sa mère. Sexuellement le plus sage des courts métrages, on le remarque surtout pour son style très influencé par la ligne claire de Jean-Claude Floch.

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C’est avec Tout corps plongé dans un fluide de Yann Bazid qu’on éprouve enfin un peu d’enthousiasme. Autodidacte, Yann Bazid a réalisé ce court métrage en pastel tout seul dans son coin. C’est visuellement d’une belle richesse, très flashy et rappelle la poésie de Topor et René Laloux. Si l’on peut résumer de façon grossière le film, c’est la libération de l’ouvrier/travailleur par ses fantasmes sexuels. Sans aucun doute l’un des meilleurs films du programme.

Enfin, histoire de garder une ligne pop et de ne pas rester trop dans l’entre-soi intello, le FFF nous balance Dick The Dog de Mrzyk et Moriceau, un spot réalisé pour MTV sur la prévention contre les MST et l’importance du préservatif. On pense fortement au générique qui ouvre chaque épisode de South Park, sauf qu’il s’agit ici de décrire la journée libidineuse d’un chien obsédé sexuel dont le museau a tout d’un phallus. C’est très con, c’est fun, c’est MTV.

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Du coup, on enchaîne forcement avec House Of Air de Brian Fairbairn et Karl Eccleston qui n’est pas du tout un court métrage (quoique ?), mais plutôt un très joli clip bien foutu, agrémenté d’une musique d’inspiration Depeche Mode. Joué et réalisé entre autres par Brian Fairbairn, House of Air est une mise en clip du Guide de l’homo qui cherche des partenaires sexuels pour assouvir tous ces fantasmes. Spoiler Alert : on a appris des trucs. House Of Air ne révolutionne pas grand-chose, mais c’est parfois aussi drôle que radical. Que demande le peuple ?

quelle gueule aurait une comédie érotique réalisée par Michael Haneke?

On termine deux courts métrages des plus classiques : Soleils Bruns de Nicolas Medy et Je fais où tu me dis de Marie de Maricourt. Le premier nous a donné l’étrange impression de sortir tout droit du dernier film de Yann Gonzalez, Un Couteau dans le Cœur. Film porno gay glam, c’est avant et surtout un court métrage vampirique horrifique évoquant la guerre des classes et forcément le racisme. Puisque l’idée d’un porno n’est pas en premier lieu de nous éveiller à la lutte politique, le travail de Nicolas Medy insiste avant tout sur le plaisir et le divertissement. Faut-il y voir chez nous un esprit conservateur, toujours est-il que c’est sans doute le film le plus classique du programme qui nous a le plus intéressés : Je fais où tu me dis de Marie de Maricourt est le portrait d’une jeune fille immobilisée sur un fauteuil roulant qui cherche a s’émanciper de ses parents coincés du cul, bien qu’assez attentionnés pour lui trouver un partenaire sexuel. Notre héroïne découvrira les joies de l’orgasme grâce à sa rencontre d’avec la soubrette de la famille : une femme trans adepte du sado masochisme. Si vous vous demandez quelle gueule aurait une comédie érotique réalisée par Michael Haneke, on vous conseille Je fais là où tu me dis.

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