Deauville 2017 : Beach Rats de Eliza Hittman

Eliza Hittman, la scénariste et réalisatrice, l’a annoncé au public avant l’ouverture de la compétition : ce n’est peut-être pas le meilleur film à voir à 10h du matin sous le soleil deauvillais. Et pour cause, Beach Rats n’hésite jamais à nous montrer frontalement ce dont il est question ; à savoir la quête d’un jeune homme de Brooklyn qui oscille entre rencontrer des hommes pour s’envoyer en l’air, ou sortir avec une fille pour essayer de croire à la possibilité qu’il soit hétéro. Torturé, honteux vis-à-vis de ses désirs et de ses amis, bande de soit-disant voyous qui se voient comme de gros durs, Frankie ne sait pas ce qu’il fait, ni ce qu’il doit faire. Son père est alité dans le salon, cancéreux, et il se retrouve à refuser les avances d’une jolie fille qui l’emporte, malgré lui, dans l’hétérosexualité.

Le sujet que traite Eliza Hittman est des plus actuels, autant dans les techniques (les rencontres par internet) que dans la manière dont les gays sont perçus par le reste du monde dans une société viriliste au possible. Si on retient une très belle scène où Frankie s’interroge sur le facteur sexy qu’il y a à voir deux hommes s’embrasser, on regrette par contre que le film ne creuse pas plus tous ces questionnements identitaires. La plastique masculine est au centre du récit, Hittman prenant toujours la peine de la mettre en valeur sans jamais la rabaisser, mais le fatalisme qui règne à mesure que tout s’aggrave pose quelque peu problème (on lui préfère le plus respirable 120 battements par minute).

Le poids sociétal et la peur d’être traîné dans la boue prédomine dans les choix que fera Frankie au fil de son aventure, mais on peut aussi se questionner sur cette volonté pour lui de ne jamais faire le bon. Comme accro, il enchaîne les coups d’un soir, ne se pose pas de questions malgré les risques, et s’approche toujours plus du point de non-retour ; un enfant aux yeux tristes qui ne se rend pas compte que chacune de ses décisions auront des répercussions considérables sur ceux qu’il côtoie. Un manque de dialogue qui plombe au final ce qui aurait pu être un questionnement intéressant sur ce qu’engendre la perte de repères sexuels, comme avait si bien pu le faire Steve McQueen dans Shame par exemple. Sans doute le film d’Eliza Hittman aurait été encore plus sinistre, mais au vu de sa fin, ça n’aurait pas été un mal pour autant. Et on n’oubliera pas de préférer tout cela au traitement profondément abject de la question dans Teenage Cocktail l’an dernier.

Pour autant, on ne peut reprocher à la réalisatrice de rester droite dans ses bottes. Son sujet est là, et elle le mène à son terme, ô combien triste peut-il être. S’il s’étale un peu narrativement, il reste parfaitement regardable et révèle un jeune acteur au regard vibrant, qu’on espère revoir un autre jour sur grand écran.

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