Si John Carchietta est parvenu à faire se lever une salle entière à Deauville pour faire une petite photo avant la projection de son Teenage Cocktail, c’est pour une toute autre raison que les gens se sont précipités hors de la salle à l’apparition du générique. On tient là le pire film de la compétition, mais aussi l’un des pires de ces derniers mois.
Comment réagiriez-vous si on vous assénait durant une heure et demi tous les clichés imaginables sur la société actuelle ? Pour John Carchietta, les classes modestes sont perverses, manquent d’ambition, regardent du porno et laissent leurs enfants manger par terre quand les riches sont proches de leur progéniture mais n’arrivent décidément pas à les comprendre. Imaginez-les, les pauvres, à ne pas pouvoir les sortir dehors, figés sur le net devant leurs écrans. Si le réalisateur, qui réalise ici son premier long-métrage, se ramasse autant sur ces détails, comment peut-il parvenir à raconter cette love-story lesbienne sur fond de prostitution adolescente ? La réponse est qu’il n’y parvient pas, et enchaîne les poncifs dans ce scénario invraisemblable, où les ados se prennent pour des adultes et sont nourris à l’image de rêves qu’ils ne pourront jamais atteindre. Un film fataliste, car il vient à décider que si des jeunes femmes vivent dans des villages paumés d’Amérique, elles n’auront jamais d’autres ambitions que de devenir serveuses dans un diner. Leur seule échappatoire ? Se prostituer devant des pervers sur internet, et faire du chantage à un type puant en pensant s’en sortir sans problèmes. Outre ce scénario des plus abscons, la mise en scène de Carchietta est sans saveur. Rien ne se dégage de ce film qui enchaîne les scènes interminables sur une mère incapable de parler à sa fille et celles d’un couple lesbien qui se dévêtit comme dans un rêve rose ouaté. Pire encore, les scènes dites “d’action” qui ponctuent la fin du métrage sont d’une telle maladresse que le fou-rire ne peut que prendre le dessus.
produit dans le simple but de voir deux jeunes lesbiennes se déshabiller dans un mauvais thriller.
Si on doit résumer Teenage Cocktail, on ne citera qu’une scène représentative du désastre : le père de famille surprend sur l’ordinateur de sa fille des photos d’elle à demi-nue avec sa copine, et ne peut s’empêcher ensuite de l’imaginer, quand elle arrive dans la chambre, dans le plus simple appareil, comme si une bête s’éveillait en lui. Outre la grande gêne qui se dégage de la situation – Lars Von Trier parvenait bien mieux à traiter le sujet dans Nymphomaniac – c’est surtout son inaction qui choque, laissant agir sa fille jusqu’à l’inéluctable, ne prenant jamais en compte le danger dans lequel elle s’est mise. Est-ce que pour John Carchietta, les hommes sont des pervers possiblement pédophiles, ou bien les parents sont-ils tout aussi inconscients que leurs enfants ? Aucune idée, mais il laisse planer un doute malaisant, qui pousse à croire que le film a été produit dans le simple but de voir deux jeunes lesbiennes se déshabiller dans un mauvais thriller.
Teenage Cocktail de John Carchietta, avec Fabianne Therese, Nichole Bloom, Michelle Borth. Sortie inconnue. 1h28.