Un jour, à Cannes, on m’a pris en photo avec Michel Franco. Il se trouve qu’il était environ 3 heures du matin, que j’étais rincé mais en costard, et que lui devait en être à son 19e cocktail. Il me parlait de trucs, mais je ne pigeais rien : le mec est mexicain, et moi j’ai fait allemand LV2. Toujours est-il que cette photo existe, et que depuis, j’ai décidé de coûte que coûte vouer un culte à Michel Franco, parce qu’imagine si un jour il devenait aussi célèbre que Beyoncé, ben moi j’aurais ma photo avec lui.
Pour le moment, le principal fait d’armes de Michel Franco, c’est d’avoir fait gerber 94% des spectateurs de Despues de Lucia en mettant en scène une héroïne que des lycéen complètement tordus forçaient à avaler une tarte au sperme. Ah, et il a aussi réalisé un film très très polémique partant d’un viol forcé entre un frère et sa soeur, Daniel y Anna. Bref, Michel Franco est un cinéaste mexicain qui s’inscrit parfaitement dans la tradition des cinéaste mexicains, également appelés cinéastes des tartes au sperme et des zizis qui flambent.
Cette année, Michel Franco présentait Les Filles d’Avril dans la sélection Un Certain Regard, et franchement, avec son titre de chanson by Laurent Voulzy, le film avait sur le papier tout du film de la maturité, celui qui le ferait accéder l’an prochain à la compétition officielle (qu’il a rapidos expérimenté l’an dernier avec un navet insipide), l’an suivant à la Palme et l’année d’après au concert au Stade de France. Toutefois, pour ne pas réitérer l’expérience à vomi dans la bouche de ses précédents films, j’ai décidé par précaution d’attendre la première séance et les retours en émanant.
Et un ami, au sortir de la salle, de me dire qu’il s’est bien calmé, le Franco. Ouf, enfin ! J’allais voir un joli film de lui, sans tarte au sperme, sans coupe de Champagne au sperme (ça, c’est dans son premier film ; il est très sperme, le mec). J’avais cerné la séance sur laquelle je rattraperais le film, ce serait ce jeudi, l’avant-dernier jour du festival, comme un bouquet final, l’avènement (enfin) d’un grand auteur (avec qui j’avais de surcroit pris une photo).
Les Filles d’Avril (pauvre de moi), c’est l’histoire d’une gamine de 17 ans enceinte. Pas violée, pas de son frère, juste 17 ans : ça va, c’est un film, laissez sa place à la fiction bordel. Elle vit avec sa soeur (normale, pas handicapée, pas scatophile), son petit copain et sa mère, dans un cocon familial sympatoche. Ca ressemble un peu à un feuilleton de France 3, mais ça démarre pas trop mal : je vais pouvoir porter aux nues le film et enfin faire de Michel Franco la star que je mérite.
Le bébé naît, il chiale beaucoup. Mais c’est bon pour nous, ça, les personnages qui chialent. Ca fait auteur. Mais ça finit un peu par casser les oreilles, y compris à la jeune maman, qui chiale aussi. Déconne pas, mec, déconne pas : pas d’assassinat de bébé, pas d’opération chirurgicale maison pour lui couper les cordes vocales, et rien à base de sperme.
Non, c’est la grand-mère (enfin la mère de l’ado), qui décide de faire adopter le gamin. A la limite pourquoi pas, pourvu que l’adoptant ne soit pas un pédophile multi-récidiviste. Ou que le bébé soit vendu. A une charcuterie qui travaillerait la viande humaine.
Non. Ouf.
La fille est pas contente qu’on lui ait retiré son bébé : ça tourne en drame familial pas dégueulasse, cette affaire, ça sent bon le Stade de France.
Jusqu’à ce qu’arrive la scène tant redoutée : la maman prend le père du gamin à part, et lui dit « jure de ne rien dire, je vais te montrer un truc ». Michel, si tu me lis : je ne veux plus jamais entendre cette phrase dans tes films. Là j’ai vu mon monde s’écrouler : fini le Stade de France, finies les Palmes d’Or, et revoilà les tartes au sperme. Le truc en question, c’est qu’elle a confié le bébé à une dame qu’elle connaît bien, et qu’elle choisit de le récupérer ; de l’adopter en scred sans le dire à sa propre fille.
OK, on tourne un peu au tordu. Mais à peine admet-on que c’est pas si grave que voici la maman couchant avec le mec de sa fille. Après, on a pêle-mêle une jolie scène d’abandon du bébé qui hurle, en plan séquence dans un restau routier (avec la voiture qui s’en va en arrière-plan), et puis 2-3 kidnappings et scènes de baise entre la maman et le mec de sa fille. Pas de sperme cependant.
Alors en effet, vous avez raison, c’était « moins pire » de la part du réalisateur mexicain. Mais bordel, ça ne suffira pas pour le Stade de France, ni pour le Zénith de Rouen quoi. Montrez-lui des choses chouettes, à Michel Franco ! Faites-lui vivre de belles expériences ! Proposez-lui des scriptes rigolos ! J’aimerais tellement avoir une photo de moi avec une star saine, bordel… Parce qu’en plus, et je conclurais ainsi, le mec – je vous le promets – est un putain de réalisateur : s’il filmait aussi bien le monde que les tartes au sperme, il dominerait le game du cinéma des années 2000.