Wonderstruck : « I see deaf people ! »

Deux histoires, évidemment liées, se déroulant à 50 ans d’intervalle. Celle d’un petit gamin des années 70 perdant l’ouïe, et fuguant pour New York à la recherche de son père, puis celle d’une petite gamine des années 20, sourde de naissance, fuguant également vers New York pour y voir son actrice de mère la délaissant.

La première histoire est en couleurs, la seconde en noir et blanc. La première est parlante (du moins jusqu’à ce que le gamin perde l’ouïe), la seconde non. Evidemment, au-delà des rebondissements qui ne sont absolument pas le sujet du film (parce que sinon, ça serait franchement raté : le tout étant très prévisible), c’est l’usage de la parole et du son au cinéma qui sont au centre de Wonderstruck.

Au-delà de la double-narration induite par ce scénario en deux temps, le film peut facilement se décomposer en deux parties : l’une, très spielbergienne, mettant en scène des enfants en quête d’extraordinaire, l’autre, plus vaine, consistant en la démonstration par A+B que ce que fait là Todd Haynes, c’est Son Grand Film. Avec Des Majuscules Dans Tous Les Coins De Chaque Cadre.

Un Film En Majuscules

En effet, passé l’effet waouh des premiers pas des gamins à New York, où l’on espère qu’une grande aventure est en train de démarrer, la double-narration alors très efficace cherche à se resserrer, les scènes à user et abuser d’effets de miroirs. A la manière d’un Inarritù bien pompeux, Todd Haynes n’a de cesse de faire résonner un récit, un cadre, un son avec l’autre. C’est un mécanisme qui s’apparente à un passage en force, et qui atteint des sommets dans la sur-signification d’un plan final dont on n’aurait pas pensé que le réalisateur du subtile Carol eut pu être capable.

Au-delà de toutes ces considérations les plus objectives possible, l’auteur se doit d’être complètement honnête avec vous : passée l’énigmatique exposition (d’aucuns parleront certainement de lenteur à mettre les choses en place, je fus au contraire assez attiré par l’aspect mystérieux du début de film), c’est d’un ennui immense (bouh, il a dit ennui, bouh bouh !). Le film a des allures de blockbuster d’aventure qui refuse de démarrer. De « céder au sensationnalisme ». C’est un chouette film qui fait le beau, un récit d’aventure qui ne s’assume pas. C’est un produit très chic, assez grandiose, mais simplement voué à impressionner (façon festivalier cannois en costard mais qui ne va pas voir de film). Et force est de constater que Wonderstruck possède une bande-son et un travail sonique à la hauteur de ses ambitions. C’est un véritable plaisir que de voir le film se jouer de nos codes, bouleverser nos repères et chatouiller nos oreilles.

Mais derrière toute cette maîtrise technique et cette maestria narrative, il manque du fun, de l’envie, des idées, des tentatives. Paradoxalement, il manque pas mal de cinéma, dans ce Grand Film De Cinéma.

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