Arte Kino Festival, par notre envoyé spécial dans son canapé.

Cinématraque ne se refusant décidément aucune dépense, ils m’ont envoyé couvrir un festival dans l’un des lieux les plus prestigieux du monde : ma chambre.

En effet, Arte propose un nouveau type de festival : les films sont disponibles pendant 24 heures gratuitement pour les internautes ayant réservé leur « place » sur une plateforme de streaming. La sélection propose un panel de films européens dont certains sont connus chez nous depuis quelque temps déjà et d’autres encore inédits. Un petit bilan s’impose.

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Bon, j’avoue j’ai déjà connu un festival moins tranquille (et un bureau mieux rangé)

Wild de Nicolette Krebitz :

On commence par un récit zoophile allemand pour se mettre dans le bain. Wild est un film assez fascinant. Dans une ambiance froide et austère à la Derrick, une jeune femme qui mène une vie ennuyeuse dans un bureau où son travail n’est pas reconnu tombe en admiration devant un loup qu’elle essaye de capturer. La réalisatrice a le courage d’aller au bout de son sujet. La relation entre la Belle et la Bête devient vite aussi belle que malsaine et donne au film toute sa puissance.

Malheureusement on peut regretter la mise en scène trop souvent banale. Les quelques beaux moments du film renforcent ce regret en laissant entrevoir toute la potentialité de cette histoire d’amour pas comme les autres. On reste un peu sur sa faim (de loup).

La mort de Louis XIV d’Albert Serra :

Présenté à Cannes, le film d’Albert Serra brille d’abord par un acteur : Jean-Pierre Léaud, évidemment parfait dans le rôle du roi Soleil en plein crépuscule. Le film offre un premier rôle à la hauteur de la légende du cinéma français et on ne sait plus vraiment qui de l’acteur ou du roi nous fascine. Mais il serait dommage de résumer le film à cette performance, car La Mort de Louis XIV est intéressant à plus d’un titre. Sous le prétexte d’un film historique, Albert Serra étudie surtout l’impuissance de l’homme (fût-il roi) devant la mort. Les médecins sont omniprésents dans le film, et plus ils sont nombreux plus le roi va mal. Molière, grand détracteur de la médecine de son époque, est d’ailleurs fort justement cité. Le film ne bouge presque pas de la chambre du sérénissime malade, on reste calfeutrés dans les appartements chics, mais très sombres de Sa Majesté, car le réalisateur se moque du contexte historique ou de la portée politique de cet événement. C’est regarder un homme mourir qui intéresse Albert Serra. Et il réussit son pari en nous accompagnant dans la quête impossible des médecins et d’une science embryonnaire pour redonner son éclat au Soleil.

A Good Wife de Mirjana Karanović  :

Certes, comme beaucoup de films serbes, A Good Wife parle de crimes de guerre, mais le réalisateur a choisi un angle d’attaque particulièrement pertinent. Milena, la « good wife » du titre se rend compte que son mari a commis des crimes de guerre quand il était soldat. Sa vie va évidemment être bouleversée par cette révélation et le film se concentre sur le choix qu’elle doit faire. Prétendre que c’est du passé et continuer à mener une vie de famille normale ou se confronter à l’horreur de la vérité, dilemme qui sera dédoublé sur un plan médical dans une analogie puissante, mais qui manque un peu de subtilité. L’actrice est parfaite dans rôle et réussit à faire passer ses émotions en très peu de mots. Le film réussit donc à nous captiver notamment grâce aux personnages. La mise en scène discrète limite peut-être la force de ce film qui reste néanmoins intelligent et profond.

La jeune fille sans mains :

Ce film d’animation tiré d’un conte des frères Grimm vaut surtout pour sa technique assez saisissante. Les personnages et les décors sont en effet à peine dessinés, des traits de couleur leur donnant vie sans figer leur forme. Cela donne un aspect très vivant au film et permet des plans de toute beauté. L’intrigue, poétique et cruelle, n’est cependant pas particulièrement intéressante et ne réussira pas à contenter ceux qui ne se satisferont pas de l’esthétique de ce long-métrage.

Fatima, de Philippe Faucon

Celui-là a déjà fait couler pas mal d’encre et de pixels. César mérité du meilleur film 2016, n’en déplaise au réalisateur du totalement immérité César du meilleur film 2014, Fatima est peut-être le meilleur film de cette sélection. Fort, puissant, sensible sans être didactique ni larmoyant, le film de Philippe Faucon se sort de tous les écueils d’un sujet particulièrement sensible : la difficile intégration de la première génération d’immigrants, chaînon entre un pays qu’ils ont quitté et leurs enfants qu’ils ne comprennent pas tout à fait. Il est pour cela parfaitement aidé par l’interprétation remarquable de Soria Zeroual.

I tempi felici verranno presto d’Alessandro Comodin: déjà vu à Cannes, la critique ici.

Même en restant chez moi, je n’ai cependant pas eu le temps de voir tous les films de la sélection (il m’en manque 4). Je ne rentrerai pas dans le débat de la découverte de films sur un écran réduit d’ordinateur (même si c’est une vraie question).

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