Grave, de Julia Ducournau

Le critique cinéma, notamment à Cannes où la critique doit être écrite en un temps record après le film, se doit de commencer à analyser le film pendant la séance. Pour déchiffrer les mécanismes, les messages et double-sens, les faiblesses et les saillies des propositions que nous font les cinéastes.

Cependant, il arrive parfois qu’un film empêche ce recul immédiat. C’était le cas pour moi de Grave premier long-métrage de Julia Ducournau qui s’adresse directement aux entrailles de son spectateur. On y suit la métamorphose de Justine, végétarienne depuis toujours sous l’influence familiale et élève fraîchement débarquée dans une école de vétérinaires. Sa découverte de la viande lors d’un bizutage va éveiller en elle un appétit féroce. C’est d’ailleurs tout le film qui révèle sa férocité au fil des séquences. Julia Ducournau a pris un pari risqué avec son film et a l’audace d’aller au bout de son projet. Pas de faux-semblants ici, la réalisatrice n’esquive pas son propos et choisit une mise en scène organique qui fait frémir les estomacs délicats. Cronenberg n’est d’ailleurs pas très loin. Les acteurs, dans des scènes très difficiles, livrent une prestation remarquable, et notamment l’actrice principale Garence Marillier qui incarne parfaitement la métamorphose de son personnage.

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Fait rare, ce personnage au nez qui saigne n’a aucun pouvoir de télékinésie

Derrière l’intrigue brute se cachent de nombreuses interrogations très modernes. Le film touche autant des sujets comme notre rapport à la nourriture et aux animaux, que l’identité sexuelle, les pulsions ou le rapport entre sœurs. En se plaçant dans le registre du film de genre, Grave réussit à se placer au confluent de toutes ces thématiques sans tomber dans l’académisme ou le didactisme. Cela ne va pas sans rappeler le It Follows de David Robert Mitchell, lui aussi révélé à la Semaine de la Critique, même si Grave recherche moins la perfection mécanique dans sa mise en scène plus brute, plus sauvage.

Comme je le disais en début d’article, le film est beaucoup trop efficace dans sa brutalité pour livrer une analyse fine et immédiate. Si les thèmes qu’aborde le film sont évidents, il me faudra plus de recul (et un deuxième visionnage) pour savoir s’il est intelligent dans son propos et dans ce qu’il dit de la construction d’une identité à travers ses pulsions. Le film est cependant à coup sûr un moment marquant de la Semaine de la Critique, et la réalisatrice, Julia Ducournau, avec ce premier long-métrage puissant, nous montre de belles promesses, pour un renouveau du cinéma français.


Gaël Sophie Dzibz Julien Margaux David Jérémy Mehdi
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Le tableau des étoiles complet de la sélection à ce lien


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Un film de Julia Ducournau avec Garance Marillier et Rabah Naït Oufella

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