The Human Centipede (First Sequence)

Après m’être cherché durant trois plombes dans la liste des braves volontaires du cycle des films interdits, tel un étudiant angoissé le jour des résultats des examens, je tombe finalement sur mon nom. Fraîchement débarqué dans l’équipe Cinématraque c’était à moi que revenait le visionnage de The Human Centipede (First Sequence), qui est de ces films souffrant du syndrome « cultissime-je-te-dis- ! », mais pour lequel on se demande bien qui souhaiterait vraiment le regarder, tant la simple lecture du synopsis vous amène à vous faire baigner les dents du fond.

Assidu, je désire faire les choses dans les règles de l’art, et me procure donc la version la mieux définie de ce qui m’a été vanté comme un bijou d’infect, puis la laisse reposer dans un coin attendant le meilleur moment pour m’y confronter. Ne sachant pas à quoi m’attendre, mes craintes montent quant à ma capacité à supporter des images que j’imagine insoutenables. Il y a une semaine, le sommeil ne venant pas, je me décide à lancer le film, mood sous la couette-2h du matin.

Deux new-yorkaises d’à peine trente ans en vacances dans un coin paumé de l’Allemagne, bêtement caractérisées comme deux greluches, souhaitent se rendre à une soirée dans une boîte de nuit appelée « Le Bunker » – bah oui on est en Allemagne que voulez-vous. Etonnamment elles crèvent un pneu de leur voiture en plein milieu d’une forêt lugubre loin de tout réseau téléphonique. Elles demandent leur chemin à un gars du coin dont la dégaine n’inspire pas vraiment confiance. Il ne sait que leur répondre par des « ficken » salaces ; elles décident de quitter leur véhicule pour trouver solution à leur problème. Après une heure de balade nocturne en mini-jupes et talons hauts dans la forêt, les deux comparses trouvent enfin de l’aide.

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D’évidence en évidence il eut été dommage si la personne les secourant avait été quelqu’un d’autre que ce charmant savant fou, qui attendait justement deux délicieux cobayes pour mettre en pratique son expérience entamée sur son défunt tri-chien enterré dans le jardin. Je prends la peine de vous dire que cet homme qui décore son appartement avec des tableaux représentant des bébés siamois par le ventre au format deux mètres sur deux ne s’exprime que par des « I hate human being ! » et « I am a sick man ! », et se nourrit de bols de fruits au sirop et de steak de 700g bien saignants. Autant vous dire que sur Airbnb, le mec aurait pas 5 étoiles. Au bout de 20 min le film ne cessant d’avancer dans la caricature, je marque une pause. En proie à de sérieux doutes quant à l’aspect culte décrit de ce que je vois, je sombre enfin dans un sommeil profond.

Je me réveille au petit matin reposé, décidé à reprendre le film où je l’avais quitté. Entre temps le teuton fou est parti à la cueillette, et a ramené un touriste japonais sur son épaule. Admettez que c’est fort étonnant de trouver pareil spécimen dans cette région si reculée. Ce réveil cauchemardesque offre la partie la plus truculente du film. Le scientifique barjo dispose des calques dessinés par un gamin de cinq ans sur un rétro projecteur tel un prof de biologie de collège, pour expliquer à ses cobayes le sort qu’il leur réserve. Sa lubie du moment, c’est de faire fusionner les individus entre eux par le système digestif. Il suffit pour ce faire de mettre les sujets à la queue leu leu, en prenant bien soin de leur couper les ligaments des genoux pour ne pas qu’ils se relèvent, et de coudre leur bouche à l’anus du camarade de devant.

Passé ce moment, il reste 1h de film durant laquelle il ne se passera presque rien. L’une des deux filles va tenter de s’échapper, mais frappée de lucidité va faire demi-tour pour venir en aide à son amie. L’opération une fois effectuée engendrera une ou deux séquences d’humiliation et de soumission de la bête nouvellement créée. Et l’on aura droit à la visite de deux policiers horriblement bêtes qui n’auraient pas repéré l’ambiance glauque si le fraîchement nommé Human Centipede avait été sur leurs genoux. Puis un final absurde, mais néanmoins réjouissant.

L’ensemble m’a donc, l’aurez-vous compris, laissé légèrement circonspect, et ce pour plusieurs raisons.

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Le réalisateur ne s’est à aucun moment dit qu’il aurait probablement dû essayer de transcender son idée de départ, capitalisant sur l’aspect peu ragoûtant de celle-ci. Il nous livre donc de la façon la plus brute possible son idée, sortie de son imagination déviante, dont la légende raconte qu’elle lui serait venue après visionnage d’un reportage sur la pédophilie. Le bonhomme s’est dit que de coudre des pédophiles entre eux serait une bonne idée. Très bien. Mais vas-tu nous raconter quelque chose ? Non. Toutes les thématiques qui auraient pu être développées ne sont que vaguement évoquées. Et si vous voulez une réflexion sur la dégradation de l’homme par l’homme, son asservissement ou encore une critique des expériences commises durant la Seconde Guerre Mondiale, passez votre chemin, vous ne trouverez rien de tout ça dans The Human Centipede.

Convaincu du génie de son idée de départ, le réalisateur-scénariste Tom Six doit probablement concevoir l’étape scénario comme un fardeau. Admettons que le film ne soit pas riche de thèmes puissants, on était tout de même en droit d’attendre d’un film érigé au rang de « culte de l’horreur » un minimum de frisson. Certes le concept répugne, mais mon esprit pervers bien que pas particulièrement dérangé m’amène à regretter que Six ne soit pas allé plus loin. Qu’il prenne des risques et nous offre un peu de subversif à se mettre sous la dent. Au lieu de ça il nous propose quelques phases hystériques de Heister se réjouissant de voir sa création fonctionner quand le japonais premier maillon de la chaine vient à nourrir le second en lui déféquant dans la bouche, le médecin s’écriant alors « Nourris la, nourris la ! ». Car le film montre peu et l’horreur qui peut survenir tient plus du traditionnel « Qu’aurais-je fais à leur place » ou encore « À quel niveau de la chenille aurais-je préféré être placé ? ». Allez je vous aide la première place est à coup sûr la moins désagréable.

Par ailleurs toute qualité artistique a déserté le film. Tom Six ne sachant pas plus mettre en scène (étonnant pour un réalisateur passé par Big Brother) que diriger des acteurs ou donner un tant soit peu d’épaisseur à ses personnages. Le film est moche, mal joué, mal filmé, usant d’une mise en scène éculée pas maîtrisée, compilant les facilités et grossièretés filmiques. Seul point positif émergeant de cet objet, le brin d’humour qui transparaît à quelques moments bien sentis.

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Si l’on raconte que le film a été financé par des géants de l’immobilier et de l’agro-alimentaire, c’est surtout le pourquoi raconter pareille histoire qui questionne. L’acte a tout l’air d’être l’œuvre d’un admirateur de Ferreri, Cronenberg ou Pasolini en mal de reconnaissance suite à l’échec de ses trois précédents films, qui aurait fait n’importe quoi pour faire parler de lui. Bingo ! Son Human Centipede est aujourd’hui devenu une saga (comment peut-il y avoir une suite ?) dont le troisième volet est sorti il y a quelques mois en DVD, et qui peut se targuer d’une jolie moyenne de 3,8/10 sur IMDB, mais aussi de compter Eli Roth parmi ses fans. Preuve s’il en est de cette unique envie de succès, la gestion du marketing, et l’acceptation de couper plusieurs scènes de la suite Human Centipede II (Full Sequence), afin que ce dernier puisse sortir sur le sol britannique et américain. Démarche assez étonnante de la part d’un réalisateur qui se présente en interview comme quelqu’un ne se pliant à aucune règle. À croire que le filou a réussi son coup, puisque son film a été parodié à de multiples reprises par South Park ou encore Charlie Hebdo. Mentionnons également la parodie porno The Human Sexipede. L’histoire ? Un savant fou kidnappe de jeunes gens pour expérimenter sur eux des opérations chirurgicales visant à les lier entre eux par leurs parties génitales…

Du Disney, à côté.

La bande-annonce, pour les motivés :

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